e ce qu'il devait ignorer, de ce qu'il
pouvait du moins ignorer en partie et ne comprendre que vaguement. Le
mal est fait, ce n'est ni vous ni moi qui l'avons voulu. Quant a moi,
j'ai la conscience d'avoir toujours travaille a lui faire partager
egalement son affection entre vous et moi.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus de nos dissensions personnelles; il
s'agit d'un interet qui passe avant tout: la sante de notre enfant. Ne
le jetons pas, au nom du ciel! dans une rivalite d'affection qui excite
sa sensibilite deja trop vive. De meme que je l'encourage dans sa
tendresse pour vous, ne le contrariez pas dans sa tendresse pour moi.
Venez le voir ici tant que vous voudrez. S'il vous est desagreable de me
rencontrer, rien n'est plus facile que de l'eviter. Quant a moi, je n'y
ai aucune repugnance. L'etat ou je vois Maurice fait taire tout autre
sentiment que le desir de le calmer, de le guerir au moral et au
physique.
Je resterai ici jusqu'a ce qu'il soit retabli et je ne ferai rien a son
egard que vous n'approuviez. Secondez-moi, vous aimez votre fils autant
que je l'aime. Epargnez-lui des emotions qu'il n'a pas la force de
supporter. Si je lui disais du mal de vous, je lui ferais beaucoup de
mal. Que la precaution soit reciproque.
Quel interet aurions-nous maintenant a nous combattre dans le coeur d'un
pauvre enfant plein de douceur et d'affection? Ce serait pousser trop
loin la guerre, et, quant a moi, je ne la comprends pas a ce point.
A. D.
Maurice ignore absolument mes inquietudes. Il s'attend toujours a
rentrer au college d'un jour a l'autre. Ne lui parlez pas de son
battement de coeur. Le medecin dit toujours devant lui que ce n'est rien
du tout.
CLIX
A M. SCIPION DU ROURE, A ARLES
Paris, 13 decembre 1836.
J'ai recu votre lettre aujourd'hui seulement. Vous m'annoncez que vous
partez de chez vous le 10 decembre. Je crains bien que la reponse que je
vous adresse par le meme courrier a Montelegier n'arrive pas a temps.
Dans cette lettre, je vous disais ce que je vais vous repeter.
Mon fils est malade. D'un jour a l'autre, je m'apprete a partir; mais je
ne puis le mettre en voiture, sans la permission du medecin: Et puis son
pere me le refuse; moi, je ne me soumets jamais aux refus. Je tranche le
noeud avec l'epee de ma volonte, qui n'est pas tout a fait aussi bien
trempee que celle d'Alexandre, mais qui n'est pas moins logique.
Voici donc ce que vous allez fai
|