de. Sans compter que ces
affections deviennent plus fortes et plus dignes d'interet a mesure que
l'intelligence humaine s'eleve et s'epure.
Il est certain que, dans le passe, elles n'ont pu etre enchainees, et
l'ordre social en a ete trouble. Ce desordre n'a rien prouve contre la
loi, tant qu'il a ete provoque par le vice et la corruption. Mais des
ames fortes, de grands caracteres, des coeurs pleins de foi et de bonte
out ete domines par des passions qui semblaient descendre du ciel meme.
Que repondre a cela? Et comment ecrire sur les femmes sans debattre une
question qu'elles posent en premiere ligne et qui occupe, dans leur vie,
la premiere place?
Croyez-moi, je le sais mieux que vous, et qu'une seule fois le disciple
ose dire:
"Maitre, il y a par la des sentiers ou vous n'avez point passe, des
abimes ou mon oeil a plonge. Vous avez vecu avec les anges; moi, j'ai
vecu avec les hommes et les femmes. Je sais combien on souffre, combien
on peche, combien on a besoin d'une regle qui rende la vertu possible."
Fiez-vous a moi, personne ne chercherait avec plus de desir de la
trouver, avec plus de respect pour la vertu, avec moins de personnalite;
car je n'essayerai jamais de pallier mes fautes passees, et mon age me
permet d'envisager avec calme les orages qui palpitent et meurent a mon
horizon.
Repondez-moi un mot. Si vous me defendez d'aller plus avant, je
terminerai les _Lettres a Marcie_ ou elles en sont, et je ferai toute
autre chose que vous me commanderez. Je puis me taire sur bien des
points et ne me crois pas appelee a renover le monde.
Adieu, pere et ami; personne ne vous aime et ne vous respecte plus que
moi.
G. SAND.
CLXV
A M. FRANZ LISZT, A PARIS
Nohant, 28 mars 1837.
Je vous envoie le tout, decachete, parce qu'il est defendu d'envoyer des
paquets fermes. Je vous recommande mes manuscrits.
Bonjour, bon Franz.
Venez nous voir le plus tot possible. L'amour, l'estime et l'amitie vous
reclament a Nohant. _L'amour_ (Marie) est un peu souffrant. _L'estime_
(c'est Maurice et Pelletan) ne va pas mal. _L'amitie_ (moi) est obese et
bien portante.
Marie m'a dit qu'il etait question d'esperance de Chopin. Dites a Chopin
que je le prie de vous accompagner; que Marie ne peut pas vivre sans
lui, et que, moi, je l'adore.
J'ecrirai a Grzymala personnellement pour le decider aussi, si je peux,
a venir nous voir. Je voudrais pouvoir entourer Marie de tous
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