louant son oeuvre magnifique. Ce faible hommage etant arrive
jusqu'a lui, je ne refuse pas ses remerciements: je les recois, au
contraire, avec un grand sentiment d'orgueil et de joie.
J'ai recu votre tabac, qui est tres bon, et je vous engage a ne pas
mepriser la sublime profession de _contrebandier_, dans laquelle vous
debutez si agreablement. Ne vous mettez pourtant pas _adosso_ une amende
considerable. Vous savez qu'il y a deux choses a craindre dans la vie:
_l'indifferenza d'un ministra e l'ira d'un doganiere_: c'est un proverbe
venitien. Vous avez echappe a la premiere, gardez-vous de la seconde.
Dites-moi donc, _Calamajo benedetto_, si vous ne faites plus rien de
mon portrait, ne pourriez-vous me l'envoyer? vous me feriez joliment
plaisir; car j'en parle a tous, et tous desirent le voir.
Vous m'avez mieux traitee que madame d'Agoult; vous m'avez vue avec
les yeux du coeur, et elle, avec ceux de la raison. Vous l'avez un peu
vieillie et rendue plus severe qu'elle n'est, meme dans ses moments
serieux. Du reste, c'est un admirable portrait, les cheveux semblaient
devoir etre inimitables, vous les avez rendus aussi beaux qu'ils le sont
en nature. Cette tete grave et noble est digne de Van Dyck. Mais, pour
la ressemblance, le portrait de Franz est plus complet. Celui de Maurice
fait toujours l'admiration universelle et mes delices.
J'ai recu les dessins et je vous prie d'en remercier le _signor Nino_.
Ils ne m'ont pas servi pour ce que j'etais en train de faire; mais ils
vont me servir pour ce que je fais maintenant; car je ne puis m'arracher
de ma chere Venise.
Lisez, dans le prochain numero de la _Revue, les Maitres mosaistes_.
C'est peu de chose; mais j'ai pense a vous en tracant le caractere de
Valerio. J'ai pense aussi a votre fraternite avec Mercuri. Enfin,
je crois que cette bluette reveillera en vous quelques-unes de nos
sympathies et de nos saintes illusions de jeunesse.
Bonsoir, mon grand artiste; donnez-moi souvent de vos nouvelles, quelle
que soit mon ignoble paresse. Aimez-moi toujours du fond du coeur, comme
je vous aime.
Tout a vous.
GEORGE.
CLXXV
A M. GIRERD, AVOCAT, A NEVERS
Fontainebleau, 22 aout 1837.
Cher et excellent ami,
J'avais deja appris par la rumeur electorale ton histoire jusqu'a la
veille du denouement definitif, et j'etais extremement inquiete lorsque
ta bonne et affectueuse lettre est venue me rassurer. Combien je suis
|