evinez, sur ce pays, tout ce que je ne vous dis pas!
Moi, je m'en moque; mais j'en ai un peu souffert, dans la crainte de
voir mes enfants en souffrir beaucoup.
Heureusement mon ambulance va bien. Demain, nous partons pour la
chartreuse de Valdemosa, la plus poetique residence de la terre. Nous y
passerons l'hiver, qui commence a peine et qui va bientot finir. Voila
le seul bonheur de cette contree. Je n'ai de ma vie rencontre une nature
aussi delicieuse que celle de Mayorque.
Dites a Valdemosa que je n'ai pas pu voir beaucoup sa famille, car j'ai
passe tout le temps a la campagne; mais, depuis cinq ou six jours, je
suis revenue a Palma, ou j'ai revu sa mere, sa soeur et son beau-frere.
Ils sont charmants pour nous. Son beau-frere est tres bien et plus
distingue que le pays ne le comporte. Sa soeur est tres gentille et
chante a ravir. Dites aussi a M. Remisa que je le remercie beaucoup
de m'avoir recommandee a M. Nunez, homme excellent, tout a fait
_simpatico_. Veuillez le prevenir que, selon sa permission, j'ai pris,
chez _Canut y Mugnerat_, trois mille francs payables a vue dans trente
jours sur lui Remisa, a Paris.
Les gens du pays sont, en general, tres gracieux, tres obligeants; mais
tout cela en paroles. On m'a fait signer cette traite dans des termes un
peu serres, comme vous voyez, tout en me disant de prendre dix ans si je
voulais, pour payer. Je ne comptais pas etre obligee de depenser tout
d'un coup mille ecus pour monter un menage a Mallorca (menage qu'on
aurait en France pour mille francs). Je voulais envoyer a Buloz beaucoup
de manuscrit; mais, d'une part, accablee de tant d'ennuis materiels,
je n'ai pu faire grand-chose; et, de l'autre, la lenteur et le peu de
surete des communications font que Buloz n'est peut-etre pas encore
nanti. Vous connaissez Buloz: "Pas de manuscrit, pas de Suisse." Je vois
donc M. Remisa m'avancant trois mille francs pour deux ou trois mois,
et, quoique ce soit pour lui une misere, pour moi c'est une petite
souffrance. Mon hotel de _Narbonne_ ne rapporte rien encore, et je ne
sais ou en sont mes fermages de Nohant. Dites-moi si je puis, sans
indiscretion, accepter le credit de M. Remisa dans ces termes; sinon,
veuillez mettre mon avoue en campagne, afin qu'il me trouve de quoi
rembourser au plus tot.
J'ecrirai a Leroux, de la chartreuse, a tete reposee. Si vous saviez ce
que j'ai a faire! Je fais presque la cuisine. Ici, autre agrement, on ne
peut se faire servir. Le dome
|