e mere! Elle a eu la mort la plus douce et la plus
calme; sans aucune agonie, sans aucun sentiment de sa fin, et croyant
s'endormir pour se reveiller un instant apres. Tu sais qu'elle etait
proprette et coquette. Sa derniere parole a ete: "Arrangez-moi mes
cheveux."
Pauvre petite femme! fine, intelligente, artiste, genereuse; colere dans
les petites choses et bonne dans les grandes. Elle m'avait fait bien
souffrir, et mes plus grands maux me sont venus d'elle. Mais elle les
avait bien repares dans ces derniers temps, et j'ai eu la satisfaction
de voir qu'elle comprenait enfin mon caractere et qu'elle me rendait une
complete justice. J'ai la conscience d'avoir fait pour elle tout ce que
je devais.
Je puis bien dire que je n'ai plus de famille. Le ciel m'en a dedommagee
en me donnant des amis tels que personne peut-etre n'a eu le bonheur
d'en avoir. C'est le seul bonheur reel et complet de ma vie. On pretend
que j'en ai eu de faux, et d'ingrats. Je pretends, moi, que non;
car j'ai oublie ceux-la, tant j'ai trouve de consolations et de
dedommagements chez les autres.
Je suis enchantee d'avoir Maurice. Je suis revenue le trouver a
Fontainebleau, ou nous sommes caches tete a tete, dans une charmante
petite auberge ayant vue sur la foret. Nous montons a cheval ou a ane
tous les jours, nous prenons des bains et nous attrapons des papillons.
Je ne suis pas fachee qu'il ait un peu de vacances. Quand les fonds
seront epuises (ce qui ne sera pas bien long), et que j'aurai termine
mes affaires a Paris, ou je retournerai passer trois jours, nous
reprendrons la route du pays. Ecris-moi ici. Embrasse ton pere pour
moi. Et aime toujours ta vieille mere, ta vieille soeur et ton vieux
camarade. Maurice t'embrasse mille fois.
GEORGE.
CLXXVII
A MADAME D'AGOULT, A GENEVE.
Fontainebleau, 25 aout 1837.
Chere princesse,
Ceci est un mot jete au hasard a la poste. Je suis persuadee qu'il
ne vous arrivera pas; car une partie de nos lettres se perdent a la
frontiere. Je recois votre lettre seulement le 25, aujourd'hui, a
Fontainebleau, ou je suis cachee loin des oisifs et des beaux esprits,
en tete a tete avec Maurice.
Je vous ai ecrit a Geneve, et j'espere que vous y avez recu ma lettre
avant de partir pour Milan. Je vous disais que j'avais bien du chagrin:
ma pauvre mere etait a l'extremite. J'ai passe plusieurs jours a Paris
pour l'assister a ses derniers moments. Pendant ce temps, j
|