re, qui
est tout a fait bonne et tendre, mon cher Fellow, et qui me donne une
nouvelle preuve tres inutile, mais tres douce, de votre amitie. Si
j'avais pu prevoir que ma lettre put vous affliger, j'en aurais bien
fait ce qu'on devrait faire de toutes celles de Mallefille. En verite,
vous avez attache trop d'importance a ce projet de vous ecrire moins
souvent. Etait-ce donc a l'etat de resolution pour l'avenir, ou
n'etait-ce pas plutot a l'etat d'excuse pour le passe? Je n'en sais
rien; mais, quoi qu'il en soit et quoi qu'il en ait ete, il suffirait
que le ralentissement de ma correspondance avec Marie lui causat le
moindre chagrin ou le moindre regret pour que toute ma paresse fut
dissipee en un clin d'oeil et pour que je lui ecrivisse tous les jours
si elle le voulait. Jamais aucune tristesse ne lui viendra de moi par ma
faute, je l'espere. Si cela arrivait, il faudrait qu'elle fit ce qu'il y
a toujours de mieux, a faire en pareil cas: s'expliquer pour le present
et pardonner pour le passe. Voila tout ce que je puis repondre a votre
lettre, que je ne comprends pas bien, a cause de mon peu de memoire,
mais qui me touche infiniment, et que je me rejouis bien de savoir
_fondee sur rien_ de ma part.
Bonsoir, cher ami. J'ai bien de la peine a tenir ma plume. Le malheureux
Piffoel est afflige d'un rhumatisme dans le bras droit. N'allez pas
prendre ceci pour une nouvelle excuse de ne pas vous ecrire. Voila le
degel; j'espere bien que, dans huit jours, je serai guerie.
Je ne vous dis rien de la part de Mallefille; il se tirera des pattes
blanches de la princesse comme il l'entendra. Pauvre diable! je ne
voudrais pas etre dans sa peau; j'aimerais mieux etre une carpe dans les
griffes d'un _beau_ chat.
Les Piffoels vous embrassent.
CLXXXI
A MADAME D'AGOULT, A GENES
Nohant, mars 1838.
Chere Marie,
Pardonnez-moi ma paresse ou, pour mieux dire, mon travail. Il m'a fallu
mener de front, pendant deux mois, une espece de chose inavouable que
vous trouverez dans la _Revue des deux mondes_ et que je vous conseille
de ne pas lire. Je viens de recevoir la lettre fantastique du maestro,
et je relis avec remords et reconnaissance les lettres aimables et
toujours ravissantes de la princesse, restees sans reponse. La princesse
connait bien mon infirmite et sait y compatir,
Il ne faut pas qu'elle punisse mon silence par le sien et que, faute de
mes maussades epitres, elle me prive des
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