bre, devant la porte du salon.
Il ouvrit les bras vers elle avec un irresistible elan, et d'une voix
que chauffait une emotion vraie:
--Ah! ma pauvre comtesse, permettez que je vous embrasse!
Elle ferma les yeux, se pencha, se pressa contre lui en tendant ses
joues, et pendant qu'il appuyait ses levres, elle murmura dans son
oreille: "Je t'aime."
Puis Olivier, sans lacher ses mains qu'il serrait, la regarda, disant:
--Voyons cette triste figure?
Elle se sentait defaillir. Il reprit:
--Oui, un peu palotte; mais ca n'est rien.
Pour le remercier, elle balbutia:
--Ah! cher ami, cher ami!--ne trouvant pas autre chose a dire.
Mais il s'etait retourne, cherchant derriere lui Annette disparue, et
brusquement:
--Est-ce etrange, hein, de voir votre fille en deuil?
--Pourquoi? demanda la comtesse.
Il s'ecria, avec une animation extraordinaire:
--Comment, pourquoi? Mais c'est votre portrait peint par moi, c'est
mon portrait! C'est vous, telle que je vous ai rencontree autrefois en
entrant chez la duchesse! Hein, vous rappelez-vous cette porte ou vous
avez passe sous mon regard, comme une fregate passe sous le canon d'un
fort. Sacristi! quand j'ai apercu a la gare, tout a l'heure, la petite
debout sur le quai, tout en noir, avec le soleil de ses cheveux
autour du visage, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai cru que j'allais
pleurer. Je vous dis que c'est a devenir fou quand on vous a connue
comme moi, qui vous ai regardee mieux que personne et aimee plus que
personne, et reproduite en peinture, Madame. Ah! par exemple, j'ai
bien pense que vous me l'aviez envoyee toute seule au chemin de fer
pour me donner cet etonnement. Dieu de Dieu, que j'ai ete surpris! Je
vous dis que c'est a devenir fou!
Il cria:
--Annette, Nane.
La voix de la jeune fille repondit du dehors, car elle donnait du
sucre aux chevaux.
--Voila, voila!
--Viens donc ici.
Elle accourut.
--Tiens, mets-toi tout pres de ta mere.
Elle s'y placa, et il les compara; mais il repetait machinalement,
sans conviction: "Oui, c'est etonnant, c'est etonnant," car elles se
ressemblaient moins cote a cote qu'avant de quitter Paris, la jeune
fille ayant pris en cette toilette noire une expression nouvelle de
jeunesse lumineuse, tandis que la mere n'avait plus depuis longtemps
cette flambee des cheveux et du teint dont elle avait jadis ebloui et
grise le peintre en le rencontrant pour la premiere fois.
Puis la comtesse et lui entreren
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