maine ou deux. En
une semaine, en se soignant, on peut changer tout a fait de visage,
puisque les femmes, meme bien portantes et jeunes, sous la moindre
influence sont meconnaissables du jour au lendemain. Mais l'idee
d'apparaitre en plein soleil, en plein champ, devant Olivier, dans
cette lumiere du mois d'aout, a cote d'Annette si fraiche, l'inquieta
tellement, qu'elle se decida tout de suite a ne point aller a la gare
et a l'attendre dans la demi-ombre du salon.
Elle etait montee dans sa chambre et songeait. Des souffles de chaleur
remuaient de temps en temps les rideaux. Le chant des cris-cris
emplissait l'air. Jamais encore elle ne s'etait sentie si triste. Ce
n'etait plus la grande douleur ecrasante qui avait broye son coeur,
qui l'avait dechiree, aneantie, devant le corps sans ame de la vieille
maman bien-aimee. Cette douleur qu'elle avait crue inguerissable
s'etait, en quelques jours, attenuee jusqu'a n'etre qu'une souffrance
du souvenir; mais elle se sentait emportee maintenant noyee dans un
flot profond de melancolie ou elle etait entree tout doucement, et
dont elle ne sortirait plus.
Elle avait envie de pleurer, une envie irresistible--et ne voulait
pas. Chaque fois qu'elle sentait ses paupieres humides, elle les
essuyait vivement, se levait, marchait, regardait le parc, et, sur les
grands arbres des futaies les corbeaux promenant dans le ciel bleu
leur vol noir et lent.
Puis elle passait devant sa glace, se jugeait d'un coup d'oeil,
effacait la trace d'une larme en effleurant le coin de l'oeil avec
la houppe de poudre de riz, et elle regardait l'heure en cherchant a
deviner a quel point de la route il pouvait bien etre arrive.
Comme toutes les femmes qu'emporte une detresse d'ame irraisonnee
ou reelle, elle se rattachait a lui avec une tendresse eperdue.
N'etait-il pas tout pour elle, tout, tout, plus que la vie, tout
ce que devient un etre quand on l'aime uniquement et qu'on se sent
vieillir!
Soudain elle entendit au loin le claquement d'un fouet, courut a la
fenetre et vit le phaeton qui faisait le tour de la pelouse au grand
trot des deux chevaux. Assis a cote d'Annette, dans le fond de la
voiture, Olivier agita son mouchoir en apercevant la comtesse, et elle
repondit a ce signe par des bonjours jetes des deux mains. Puis elle
descendit, le coeur battant, mais heureuse a present, toute vibrante
de la joie de le sentir si pres, de lui parler et de le voir.
Ils se rencontrerent dans l'anticham
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