tecalde,
[20]quelles bonnes poignees de mains silencieusement echangees!
L'emotion etait si grande, si imprevue, que personne ne
trouvait un mot a dire....
Pas meme Tartarin. Pale et fremissant, le fusil a aiguille
encore entre les mains, il songeait debout devant le comptoir....
[25]Un lion de l'Atlas, la, tout pres, a deux pas! Un lion! c'est-a-dire
la bete heroique et feroce par excellence, le roi des fauves,
le gibier de ses reves, quelque chose comme le premier sujet de
cette troupe ideale qui lui jouait de si beaux drames dans son
imagination....
[30]Un lion, mille dieux!...
Et de l'Atlas encore!!! C'etait plus que le grand Tartarin
n'en pouvait supporter....
Tout a coup un paquet de sang lui monta au visage.
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Ses yeux flamberent. D'un geste convulsif il jeta le fusil a
aiguille sur son epaule, et, se tournant vers le brave commandant
Bravida, ancien capitaine d'habillement, il lui dit d'une voix
de tonnerre: "Allons voir ca, commandant."
[5]--"He! be ... he! be ... Et mon fusil!... mon fusil
a aiguille que vous emportez!..." hasarda timidement le
prudent Costecalde; mais Tartarin avait tourne la rue, et derriere
lui tous les chasseurs de casquettes emboitant fierement
le pas.
[10]Quand ils arriverent a la menagerie, il y avait deja beaucoup
de monde. Tarascon, race heroique, mais trop longtemps privee
de spectacles a sensations, s'etait rue sur la baraque Mitaine
et l'avait prise d'assaut. Aussi la grosse madame Mitaine etait
bien contente.... En costume kabyle, les bras nus jusqu'au
[15]coude, des bracelets de fer aux chevilles, une cravache dans une
main, dans l'autre un poulet vivant, quoique plume, l'illustre
dame faisait les honneurs de la baraque aux Tarasconnais, et
comme elle avait _doubles muscles_, elle aussi, son succes etait
presque aussi grand que celui de ses pensionnaires.
[20]L'entree de Tartarin, le fusil sur l'epaule, jeta un froid.
Tous ces braves Tarasconnais, qui se promenaient bien tranquillement
devant les cages, sans armes, sans mefiance, sans
meme aucune idee de danger, eurent un mouvement de terreur assez
naturel en voyant leur grand Tartarin entrer dans la baraque avec son
[25]formidable engin de guerre. Il y avait donc
quelque chose a craindre, puisque lui, ce heros.... En un clin
d'oeil, tout le devant des cages se trouva degarni. Les enfants
criaient de peur, les dames regardaient la porte. Le pharmacien
Bezuquet s'esquiva, en disant qu'il allait c
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