dont le peuple se servait
pour administrer ses affaires, et que sa duree ou sa chute dependait
seulement de la maniere dont il s'acquittait de son mandat.
[Note 37: L'ouvrage de Buchanan, qui eut le plus grand retentissement
en Angleterre et en Ecosse, _De jure regni apud Scotos_, fut imprime
en 1579; le _Lex rex_ de Rutherford, en 1644; _Pro populo defensio_,
de Milton en 1651.]
Ce sont ces principes que l'on retrouvait dans les enseignements de
l'Eglise primitive, et qui ne tendaient a rien moins qu'a renverser
les idees admises alors dans l'organisation des empires, et a saper
dans sa base le pouvoir absolu des souverains, aussi bien en France et
en Angleterre qu'en Espagne, en Italie et en Allemagne, qui exciterent
les violentes persecutions dont les dissidents de toutes les sectes et
de toutes les classes furent l'objet.
Cette negation de l'autorite dans l'ordre spirituel conduisit a la
negation de l'autorite dans l'ordre philosophique[38], qui mena a
Descartes et Spinoza, et a celle de l'autorite royale, qui devait
produire plus tard la declaration d'independance des Etats-Unis.
Ce n'est donc pas sans raison que les souverains consideraient le
calvinisme comme une religion de rebelles et qu'ils lui firent une
guerre si acharnee. "Il fournit aux peuples, dit Mignet[39], un modele
et un moyen de se reformer." Il nourrissait en effet l'amour de la
liberte et de l'independance. Il entretenait dans les coeurs cet
esprit democratique et antisacerdotal[40] qui devait devenir
tout-puissant en Amerique et qui n'a certainement pas dit son dernier
mot en Europe.
[Note 38: _Benedicti de Spinoza Opera, etc. I, 21, 24. Tauchnitz,
1843.]
[Note 39: _Histoire de la Reforme a Geneve_.]
[Note 40:
As poisons of the deadliest kind,
Are to their own unhappy coasts confined;
So _Presbytery_ and its pestilential zeal,
Can flourish only in a COMMON WEAL.
(Dryden, _Hind and Panther_).]
Ainsi, par une coincidence singuliere, la France donna au monde
Calvin, l'inspirateur d'idees qu'elle repoussa d'abord, mais au
triomphe desquelles elle devait concourir, les armes a la main, deux
siecles et demi plus tard en Amerique.
Ce n'etait pas tant la religion orthodoxe que le pape soutenait
en prechant la croisade contre les albigeois et les huguenots, en
etablissant l'inquisition, en condamnant les propositions de Luther
et de Calvin. C'etait son pouvoir temporel et sa suprematie qu'il
defendait et qu'il voulait ap
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