efuses comme n'en ayant, pas besoin. Les frais de sa table sont
seulement faits aux depens de l'Etat. Il a tous les jours une
trentaine de personnes a diner, fait une fort bonne chere militaire
et est fort attentif pour tous les officiers qu'il admet a sa table.
C'est en general le moment de la journee ou il est le plus gai. Au
dessert, il fait une consommation enorme de noix, et lorsque la
conversation l'amuse, il en mange pendant des heures en portant,
conformement a l'usage anglais et americain, plusieurs santes. C'est
ce qu'on appelle _toaster._ On commence toujours par boire aux
Etats-Unis de l'Amerique, ensuite au roi de France, a la reine, aux
succes des armees combinees. Puis on donne quelquefois ce qu'on
appelle un _sentiment_: par exemple a nos succes sur les ennemis et
sur les belles; a nos avantages en guerre et en amour. J'ai toaste
plusieurs fois aussi avec le general Washington. Dans une entre autres
je lui proposai de boire au marquis de La Fayette, qu'il regarde comme
son enfant. Il accepta avec un sourire de bienveillance, et eut la
politesse de me proposer en revanche celle de mon pere et de ma femme.
"M. Washington m'a paru avoir un maintien parfait avec les officiers
de son armee. Il les traite tres-poliment, mais ils sont bien loin de
se familiariser avec lui. Ils ont tous au contraire, vis-a-vis de ce
general, l'air du respect, de la confiance et de l'admiration.
"Le general Gates, fameux par la prise de Burgoyne et par ses revers a
Camden, commandait cette annee une des ailes de l'armee americaine. Je
l'ai vu chez M. Washington, avec lequel il a ete brouille, et je me
suis trouve a leur premiere entrevue depuis leurs querelles, qui
demanderaient un detail trop long pour l'inserer ici. Cette entrevue
excitait la curiosite des deux armees. Elle s'est passee avec la
decence la plus convenable de part et d'autre. M. Washington traitant
M. Gates avec une politesse qui avait l'air franc et aise, et celui-ci
repondant avec la nuance de respect qui convient vis-a-vis de son
general, mais en meme temps avec une assurance, un ton noble et un air
de moderation qui m'ont convaincu que M. Gates etait digne des succes
qu'il a obtenus a Saratoga, et que ses malheurs n'ont fait que le
rendre plus estimable par le courage avec lequel il les a supportes.
Il me semble que c'est la le jugement que les gens capables et
desinteresses portent sur M. Gates."
On ne s'etonnera pas que le personnage de Washington ait
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