l'histoire.
Dans son desir de vengeance, il frappa aveuglement, il engloba dans la
meme proscription princes, nobles, riches, savants, hommes celebres
par leur courage ou par leurs vertus. Tous tomberent tour a tour sous
ses coups. Il tourna ses armes meme contre les siens. Il ne savait
pas, il ne pouvait pas et ne voulait pas les reconnaitre.
[Note 78: Ce n'est pas seulement de la Regence que datait a la cour et
a la ville cette corruption des moeurs qui ne connaissait aucun frein.
Ce n'est pas non plus depuis Voltaire que la religion n'avait laisse
dans le coeur des grands que superstition grossiere ou scepticisme
dangereux. On peut remonter jusqu'a Brantome pour retrouver dans les
hautes regions de la societe francaise cette absence de sens moral et
d'esprit veritablement chretien que l'on remarque dans certains ecrits
et surtout dans les memoires des regnes de Louis XV et de Louis XVI,
et dont les _Memoires de Lauzun_ presentent le honteux tableau.--Voir
un ouvrage recemment publie: _Marie-Therese et Marie-Antoinette_, par
Mme d'Armaille.
"La politique de Richelieu et de Louis XIV avait fait dependre Le sort
de la nation du caprice d'un seul homme. Tout ce qui avait une vie
propre avait ete ecrase. Le prince imprimait le caractere de son
esprit a la Cour, la Cour a la ville et la ville aux provinces. Pour
fonder cette unite monarchique que quelques-uns admirent, il avait
fallu detruire la vie de famille chez la noblesse, amortir la vie
religieuse, en un mot, tarir les sources de la moralite et de la
regeneration des moeurs."--_La Societe francaise et la Societe
anglaise au XVIIIe siecle_, par Cornelis de Witt. Paris, 1864.]
Les dechirements douloureux, effrayants, que souffrit alors la France,
eurent du moins pour elle un immense resultat: ils furent comme les
convulsions au milieu desquelles se produisait l'enfantement laborieux
de sa veritable nationalite[79].
[Note 79: Les Americains etaient des citoyens avant de se dire
republicains et de se faire soldats. La Convention en France dut
democratiser la nation par la _terreur_ et l'armee par le supplice de
quelques generaux.
Domptez donc par la terreur les ennemis de la liberte. _Robespierre_,
Mignet, II, 43. V. la note tristement comique placee en tete de la
_Relation_ de Kerguelen, deja cite; on y verra comment ces liberaux de
fraiche date s'appelaient _citoyens_.]
Malheur a celui qui, dans de pareilles circonstances, tentait
d'arreter le torrent et
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