puyer sur la terreur du bras seculier,
alors que les foudres spirituelles etaient impuissantes. Ce n'etait
pas non plus par zele pour la religion, mais bien dans un interet tout
politique que Francois Ier faisait massacrer les Vaudois et bruler les
protestants en France, tandis qu'il soutenait ceux-ci en Allemagne
contre son rival Charles-Quint. Il s'agissait pour lui de comprimer
ce levain de liberalisme qui portait ombrage a son despotisme et qui
donna tant de soucis a ses successeurs. Catherine de Medicis, par la
Saint-Barthelemy; Richelieu[41], par la prise de la Rochelle, et Louis
XIV, par la revocation de l'edit de Nantes, s'efforcerent toujours de
ressaisir le pouvoir absolu que les protestants leur contestaient, et
ils les persecuterent sans relache, par tous les moyens legitimes ou
criminels dont ils purent disposer. Ils ne voulaient pas de cet "Etat
dans l'Etat," suivant l'expression de Richelieu; et, sous pretexte de
combattre la reforme religieuse, c'etait la reforme politique qu'ils
esperaient etouffer.
[Note 4l: "Quand cet homme n'aurait pas eu le despotisme dans le
coeur, il l'aurait eu dans la tete." (MONTESQUIEU, _Esp. des Lois_, V,
10.)]
Le catholique Philippe II sentait les Pays-Bas fremir sous sa pesante
main de fer. Il voyait cette riche proie travaillee par la reforme, et
il dressa contre les calvinistes, en qui il voyait surtout des ennemis
de son administration absolue, les buchers, les potences et les
echafauds dont le duc d'Albe se fit le sanguinaire pourvoyeur.
Mais les persecutions, les bannissements, les tortures et les
massacres aboutirent a des resultats tout differents de ceux
qu'avaient esperes leurs sanguinaires auteurs. Les papes, loin de
recouvrer cette suprematie dont ils etaient si jaloux, virent la
moitie des populations chretiennes autrefois soumises au saint-siege
echapper a leur juridiction spirituelle. L'Espagne, brisee sous le
joug cruel de l'inquisition et du despotisme, perdit toute energie
sociale, toute vie politique. Elle s'affaissa pour ne plus se
relever. Les Pays-Bas se constituerent en republique, sous le nom de
Provinces-Unies. Les deux tiers de l'Allemagne se firent protestants,
et l'Amerique recut dans son sein les familles les plus industrieuses
de la France, bannies par un acte aussi inique qu'impolitique, la
revocation de l'edit de Nantes.
Ecrasee a tout jamais, l'opposition religieuse disparut de France.
Mais son oeuvre politique et sociale fut reprise
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