, sous le titre: _LISTE GENERALE et tres-exacte des noms, ages,
qualites et demeures de tous les conspirateurs condamnes a mort par le
tribunal revolutionnaire etabli a Paris... pour juger tous les ennemis
de la patrie._ Ce recueil paraissait avec la regularite de _l'Almanach
des Muses_ et du _Mercure galant,_ et la matiere manquait si peu
pour remplir ses trente-deux pages d'impression compacte que des
supplements devenaient souvent necessaires. Peu de reflexions
accompagnaient du reste cette nomenclature aussi froide que le couteau
de la guillotine, aussi seche que les coeurs des bourreaux. Les
editeurs comprenaient trop bien que les approbations de la veille
pouvaient etre des critiques du lendemain. Chaque citoyen sentait
peser sur sa tete un glaive dont la moindre imprudence pouvait
provoquer la chute.
Et pourtant, que ce morne silence des publicistes sous le regne
pretendu de la liberte est eloquent! Que de pensees dans leurs
reticences! Que d'enseignements dans le choix de leurs titres et de
leurs qualifications! Lisez cette epigraphe inscrite en tete de chaque
bulletin:
Vous qui faites tant de victimes,
Ennemis de l'egalite,
Recevez le prix de vos crimes,
Et nous aurons la liberte.
Etait-ce une apologie ou bien une satire du regime de la Terreur?
Dans ce meme livre, ou on lit _l'infame_ Capet, on trouve tour a tour
les _infames_ Girondins, l'_infame_ Robespierre et enfin l'_infame_
Carrier.
La Republique y est proclamee avec emphase _une, indivisible_ et
IMPERISSABLE.
Cette impassible necrologie fait voir au lecteur, comme dans un
navrant cauchemar, les massacres de septembre, les mitraillades de
Lyon, les noyades de Nantes et ces milliers de tetes fraichement
coupees d'enfants, d'adultes, de vieillards, de jeunes filles, de
savants, de magistrats, d'artisans, de soldats, de pretres, entassees
pele-mele pour la satisfaction du peuple-roi en delire.
La lecture de cette _Liste exacte des guillotines_ m'a fait faire une
remarque que je n'ai vue encore nulle part. C'est que la majorite des
victimes appartenaient aux classes les plus humbles de la societe.
Ce furent pour la plupart des ouvriers, des petits bourgeois, des
cultivateurs, des employes, qui payerent de leur vie le triomphe d'une
revolution accomplie par eux et pour eux.]
En Amerique, la posterite a commence pour La Fayette. Sa memoire est
veneree, sa reputation pure de toute souillure. Mais dans sa patrie
meme on ne le juge pa
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