ents superposes, ou les hommes travaillent.
Il y a de ces hommes qui sont enfonces jusqu'au torse dans des bureaux
americains compliques comme des machines. D'autres se tiennent ratatines
au faite de hauts tabourets fluets comme des perchoirs. On voit des murs
immenses, recouverts de cartonniers, et qui ressemblent un peu au
columbarium du Pere-Lachaise. La-devant, circulent, sur des galeries
aeriennes, deux ou trois garcons qui ont un air affaire de mouches a
miel. Parfois, on entend un gresillement, un bruit de friture, et on
entre dans une grande salle ou les dactylographes pianotent comme des
alienees: une musique d'orage, piquee de petits coups de timbre.
Ailleurs, ce sont des especes de soupiraux qui sentent le chat mouille
et la colle forte; au fond, on voit des gens qui ecrasent les registres
a copier, sous la presse, en crispant les mains et en serrant les
machoires. Enfin tout le tableau d'une boite ou ca va bien, c'est-a-dire
rien de comparable avec le paradis terrestre.
Dans l'antichambre de M. Sureau, il y a un domestique en livree et en
bas blancs. Il me demande le numero de mon service et me pousse dans une
grande piece en murmurant: "On vous attend".
Je reconnais tout de suite le cabinet de M. Sureau, ou je ne suis
pourtant venu qu'une fois, ayant apercu les deux autres fois M. Sureau
dans notre section. Je vois des tentures gros-bleu, des tableaux couleur
de raisine, et, dans un coin, un plan-coupe de la "batteuse-trieuse
Socque et Sureau", avec les medailles des expositions.
Lui, il est la! Vous le connaissez peut-etre et vous savez que c'est un
homme un peu fort, de haute taille, avec les cheveux ras, la moustache
en brosse et une barbiche rude; tout le poil passablement gris. Un
lorgnon qui tremblote toujours parce qu'il ne serre qu'un brimborion de
peau, sous le front.
M. Sureau me regarde de travers et dit seulement:
--Vous venez de la redaction? Que fait M. Jacob?
--Il est souffrant.
--Ah? Donnez!
Et je reste debout, face au grand bureau Empire, ne sachant trop s'il
vaut mieux garder les talons reunis, le corps bien droit, ou me hancher
dans la position du soldat au repos.
Je dois vous avouer que j'ai vecu fort retire, a la maison Socque et
Sureau. Je detestais les circonstances qui me faisaient sortir de mes
fonctions et de mes habitudes. Mon metier etait de corriger des textes
et non de me tenir debout devant un prince de l'industrie. Je maudissais
M. Jacob et preparais, a
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