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erre sans cesse par le monde des hommes. Heureux les coeurs torrides qui en sont visites! Heureuses les campagnes dessechees que cet orage desaltere! Je ne me cache pas d'avoir pleure. Je n'ai que trop de choses a dissimuler, je peux bien avouer ces larmes-la: je leur dois le meilleur instant de ma vie. Je vous l'ai dit, j'etais a genoux devant ma mere, j'etais prosterne devant tant de bonte simple, devant tant de divination affectueuse. Et je n'etais pas presse de m'en aller, moi qui ne pense jamais qu'a changer de place. Maman ne disait rien; elle avait pose ses mains sur ma tete. Elle devait etre tres emue; je sentais pourtant qu'avec la pointe d'un ongle elle grattait une petite tache au col de mon veston: elle est si soigneuse pour moi, si soucieuse de moi et si fiere de moi, la pauvre femme, comme s'il etait vraiment possible que quelqu'un soit fier de moi! Je reprenais peu a peu mes esprits et je disais: --Maman! Nous qui avons justement des difficultes d'argent. Et ma mere de repondre, avec simplicite: --Mais, mon Louis, nous n'avons aucune difficulte d'argent. C'etait vrai: nous etions pauvres, mais nous n'avions aucune difficulte d'argent. Je dus en convenir. Peu a peu je me sentais envahi d'une joie rayonnante. Ma mere faisait ce que font toutes les meres dans ces occasions-la: elle me peignait, elle renouait ma cravate, elle passait sur mon visage une douce main que les travaux domestiques ne parviennent pas a rendre rugueuse. Puis elle ouvrit l'armoire a glace, l'armoire de son mariage, et il y eut pour moi un fin mouchoir brode, un peu d'eau de Cologne et meme une dragee. Je mangeai la dragee en contenant les dernieres secousses de mes sanglots. J'avais dix ans, cinq ans, j'etais un tout petit, je me serais laisse bercer. En fait, je crois bien que je Me laissai bercer. Ne parlons pas de ca. Je comprenais tres bien que maman ne me demanderait aucune explication. Rien que pour cela, j'aurais voulu me jeter encore une fois a ses pieds, embrasser ses souliers. Eh bien, je fis mieux: je lui donnai toutes les explications imaginables. Je lui racontai toute ma journee; je la lui racontai dans tous les details. Je n'omis rien, ni M. Jacob, ni mon doigt, ni l'oreille du gros bonhomme. Elle souriait, la pauvre femme. Le revolver la fit un peu trembler, mais elle se reprit vite a sourire, a rire meme pour m'assurer que tout cela etait sans importance, sans gravite. Je sais, moi, que t
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