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d tremblement s'emparait de moi. Je regardais avec horreur, a la lueur d'un reverbere, mes mains mouillees, fremissantes comme celles d'un ivrogne, ou d'un assassin faible. Je me remettais en marche, le long de la bordure du trottoir. Ainsi, voila l'homme que j'etais! Je pensais a la mort de ma mere; j 'y pensais calmement et, tout de suite, j'organisais ma vie sans ma mere. Je supprimais mentalement ma mere pour disposer de la petite rente. Voila l'homme que j'etais. Je ne parviendrai jamais a vous dire ce qui se passa. Une sorte de querelle eclata dans l'interieur de mon etre. Une voix claire et raisonnable disait: ce sont des idees absurdes, il faut les mepriser et les chasser. Une autre voix, sifflante, exasperante, repetait obstinement: lache, lache. Mais, nette, en depit de ce tumulte, une troisieme voix comptait avec placidite: vingt francs par mois pour la chambre, et il reste deux francs par jour pour vivre. Quinze sous pour le repas du midi, dix sous pour le diner; le reste: des livres, des loques, la liberte. Je passai la main sur mon visage, en reniflant. J'avais les joues ruisselantes d'eau. Je ne pense pas que c'etaient des larmes: il pleuvait de plus en plus fort. J'etais extenue, ecoeure, atterre. Je m'assis un instant sur le parquet de pierre dans lequel s'implante la grille du Luxembourg. Il me sembla que ce repos de mes muscles temperait le bouillonnement de mes pensees, si je dois appeler "mes pensees" cette vermine dont je ne peux ni me rendre maitre ni me debarrasser. J'eus la sensation de me ressaisir un peu, de tenir mon ame presque immobile, comme un cheval retif que l'on mate en tirant tres fort sur les renes. Je pensai, lentement, en remuant les levres, je pensai mot a mot: "Si ma mere venait a mourir..." Aussitot, je sentis ma gorge se serrer de chagrin et une vive detresse, que je connaissais bien pour l'avoir eprouvee deja, me saisit au ventre. J'en fus, si je peux dire, profondement soulage. Je pensai encore: "C'est une idee tout a fait importune; il n'y a aucune raison pour que ma mere me quitte". Non! Il n'y avait aucune raison. Je pensai enfin: "Il ne peut pas m'arriver plus grand malheur". Et toute ma tristesse repondit: "Non! Oh! non! pas de plus grand malheur". Ainsi, je pus croire, pendant quelques secondes, que j'avais repris le pouvoir, repris la direction de mon ame. Je m'apercus, a ce moment, que je n'etais pas seul contre la grille du jardin. Un homme, vieux, mise
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