FREE BOOKS

Author's List




PREV.   NEXT  
|<   34   35   36   37   38   39   40   41   42   43   44   45   46   47   48   49   50   51   52   53   54   55   56   57   58  
59   60   61   62   63   64   65   66   67   68   69   70   71   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83   >>   >|  
es dans les ruisseaux de la rue Tournefort. Aujourd'hui, je ne patauge plus dans l'eau sale, mais je regarde encore avec attention les petits morceaux de vaisselle, le gravier, les infimes debris que le courant lave et entraine peu a peu vers l'egout. Et puis, le ruisseau chante quand meme sa petite complainte. Cela me fait penser a des prairies, a des fleuves, a des pays que je ne connaitrai jamais. C'est de l'eau civilisee, de l'eau pourrie. De l'eau, de l'eau malgre tout! La mer, les grands lacs, les torrents dans la montagne! Si vous passez rue Lhomond, le soir, assez tard, a l'heure ou les bruits de Paris s'engourdissent et s'endorment, vous entendrez, au-dessous de vous, tous les egouts de la montagne Sainte-Genevieve qui chantent doucement, comme des cataractes lointaines. Ce sont les cataractes de mes voyages, a moi. Que voulez-vous? Je ne suis presque jamais sorti de Paris; je n'ai rien vu, je ne sais rien, je suis un homme quelconque, un homme insignifiant, oui, oui, insignifiant. Je n'ai rien a vous raconter d'extraordinaire. Toutes mes aventures me sont arrivees en dedans. Et vous etes bien bon de m'ecouter, moi qui n'ai rien a vous dire, moi qui ne suis fait qu'avec des riens. Je suivais donc le trottoir. Je n'etais pas trop malheureux. J'avais a peu pres autant d'ame qu'une chrysalide et je ne me sentais pas presse de briser mon enveloppe. J'aurais voulu rester jusqu'au soir dans cette espece de torpeur qui prolongeait pour moi la nuit. Malheureusement toutes sortes de mecanismes se mettaient a jouer et c'etait bientot fini de mon repos. Le plus souvent, ca commencait par l'absurde histoire du nombre des pas. Vous savez? Les blocs de granit qui forment la bordure du trottoir sont disposes bout a bout. Je marchais dessus, d'abord sans y penser; puis je commencais a m'apercevoir que, tous les deux pas, je posais le pied sur l'interstice qui separe deux des blocs de la bordure. Alors, comme malgre moi, je m'appliquais a faire exactement deux pas d'un interstice a l'autre. Je m'y appliquais sans m'y appliquer, sans en avoir l'air, d'abord parce que j'aurais eu honte de donner aux passants le spectacle de ma sottise, ensuite parce que j'etais profondement persuade que ce n'etait la qu'un jeu de mon corps, un jeu auquel mon esprit ne participait point. Et voila ou commence l'absurde: un moment arrivait ou je ne pouvais plus detacher ma pensee de cette affaire d'interstices. Peu a peu, tout en affectant
PREV.   NEXT  
|<   34   35   36   37   38   39   40   41   42   43   44   45   46   47   48   49   50   51   52   53   54   55   56   57   58  
59   60   61   62   63   64   65   66   67   68   69   70   71   72   73   74   75   76   77   78   79   80   81   82   83   >>   >|  



Top keywords:

montagne

 

malgre

 

interstice

 

absurde

 

cataractes

 

aurais

 
insignifiant
 

bordure

 

penser

 

appliquais


trottoir
 

jamais

 

mecanismes

 

rester

 

enveloppe

 

sortes

 

Malheureusement

 

histoire

 
mettaient
 

espece


prolongeait

 
torpeur
 

souvent

 

commencait

 

bientot

 
toutes
 

commencais

 
auquel
 

esprit

 

participait


persuade

 

profondement

 

passants

 

spectacle

 

sottise

 

ensuite

 

affaire

 
interstices
 

affectant

 

pensee


detacher
 
commence
 

moment

 
arrivait
 
pouvais
 
donner
 

dessus

 

marchais

 

briser

 

apercevoir