comme il est vetu avec soin.
La plume de son chapeau vaut au moins cinquante pistoles,
regardez-la donc, Aramis.
L'appel acheve, le president donna ordre de passer a la lecture de
l'acte d'accusation.
Athos, palit: il etait trompe encore une fois dans son attente.
Quoique les juges fussent en nombre insuffisant, le proces allait
s'instruire, le roi etait donc condamne d'avance.
-- Je vous l'avais dit, Athos, fit d'Artagnan en haussant les
epaules. Mais vous doutez toujours. Maintenant prenez votre
courage a deux mains et ecoutez, sans vous faire trop de mauvais
sang, je vous prie, les petites horreurs que ce monsieur en noir
va dire de son roi avec licence et privilege.
En effet, jamais plus brutale accusation, jamais injures plus
basses, jamais plus sanglant requisitoire n'avaient encore fletri
la majeste royale. Jusque-la on s'etait contente d'assassiner les
rois, mais ce n'etait du moins qu'a leurs cadavres qu'on avait
prodigue l'insulte.
Charles Ier ecoutait le discours de l'accusateur avec une
attention toute particuliere, laissant passer les injures,
retenant les griefs, et, quand la haine debordait par trop, quand
l'accusateur se faisait bourreau par avance, il repondait par un
sourire de mepris. C'etait, apres tout, une oeuvre capitale et
terrible que celle ou ce malheureux roi retrouvait toutes ses
imprudences changees en guet-apens, ses erreurs transformees en
crimes.
D'Artagnan, qui laissait couler ce torrent d'injures avec tout le
dedain qu'elles meritaient, arreta cependant son esprit judicieux
sur quelques-unes des inculpations de l'accusateur.
-- Le fait est, dit-il, que si l'on punit pour imprudence et
legerete, ce pauvre roi merite punition; mais il me semble que
celle qu'il subit en ce moment est assez cruelle.
-- En tout cas, repondit Aramis, la punition ne saurait atteindre
le roi, mais ses ministres, puisque la premiere loi de la
constitution est: _Le roi ne peut faillir._
Pour moi, pensait Porthos en regardant Mordaunt et ne s'occupant
que de lui, si ce n'etait troubler la majeste de la situation, je
sauterais de la tribune en bas, je tomberais en trois bonds sur
M. Mordaunt, que j'etranglerais; je le prendrais par les pieds et
j'en assommerais tous ces mauvais mousquetaires qui parodient les
mousquetaires de France. Pendant ce temps-la, d'Artagnan, qui est
plein d'esprit et d'a-propos, trouverait peut-etre un moyen de
sauver le roi. Il faudra que je lui en parle.
Quant
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