le du roi. Un commissaire du parlement, vetu de noir et plein
d'une gravite de mauvais augure, entra, salua le roi, et deployant
un parchemin, lui lut son arret comme on a l'habitude de le faire
aux condamnes qui vont marcher a l'echafaud.
-- Que signifie cela? demanda Aramis a Juxon.
Juxon fit un signe qui voulait dire qu'il etait en tout point
aussi ignorant que lui.
-- C'est donc pour aujourd'hui? demanda le roi avec une emotion
perceptible seulement pour Juxon et Aramis.
-- N'etiez-vous point prevenu, sire, que c'etait pour ce matin?
repondit l'homme vetu de noir.
-- Et, dit le roi, je dois perir comme un criminel ordinaire, de
la main du bourreau de Londres?
-- Le bourreau de Londres a disparu, sire, dit le commissaire du
parlement; mais a sa place un homme s'est offert. L'execution ne
sera donc retardee que du temps seulement que vous demanderez pour
mettre ordre a vos affaires temporelles et spirituelles.
Une legere sueur qui perla a la racine des cheveux de Charles fut
la seule trace d'emotion qu'il donna en apprenant cette nouvelle.
Mais Aramis devint livide. Son coeur ne battait plus: il ferma les
yeux et appuya sa main sur une table. En voyant cette profonde
douleur, Charles parut oublier la sienne.
Il alla a lui, lui prit la main et l'embrassa.
-- Allons, ami, dit-il avec un doux et triste sourire, du courage.
Puis se retournant vers le commissaire:
-- Monsieur, dit-il, je suis pret. Vous le voyez, je ne desire que
deux choses qui ne vous retarderont pas beaucoup, je crois: la
premiere, de communier; la seconde, d'embrasser mes enfants et de
leur dire adieu pour la derniere fois; cela me sera-t-il permis?
-- Oui, sire, repondit le commissaire du parlement.
Et il sortit.
Aramis, rappele a lui, s'enfoncait les ongles dans la chair, un
immense gemissement sortit de sa poitrine.
-- Oh! Monseigneur, s'ecria-t-il en saisissant les mains de Juxon,
ou est Dieu? ou est Dieu?
-- Mon fils, dit avec fermete l'eveque, vous ne le voyez point,
parce que les passions de la terre le cachent.
-- Mon enfant, dit le roi a Aramis, ne te desole pas ainsi. Tu
demandes ce que fait Dieu? Dieu regarde ton devouement et mon
martyre, et, crois-moi, l'un et l'autre auront leur recompense;
prends-t'en donc de ce qui arrive aux hommes, et non a Dieu. Ce
sont les hommes qui me font mourir, ce sont les hommes qui te font
pleurer.
-- Oui, sire, dit Aramis, oui, vous avez raison; c'est aux hommes
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