re salut; le moindre geste,
le moindre chant, le moindre signe de ceux qui s'approcheront de
vous, epiez tout, ecoutez tout, commentez tout.
-- Oh! chevalier! s'ecria le roi, que puis-je vous dire? aucune
parole, vint-elle du plus profond de mon coeur, n'exprimerait ma
reconnaissance. Si vous reussissez, je ne vous dirai pas que vous
sauvez un roi; non, vue de l'echafaud comme je la vois, la
royaute, je vous le jure, est bien peu de chose; mais vous
conserverez un mari a sa femme, un pere a ses enfants. Chevalier,
touchez ma main, c'est celle d'un ami qui vous aimera jusqu'au
dernier soupir.
Aramis voulut baiser la main du roi, mais le roi saisit la sienne
et l'appuya contre son coeur.
En ce moment un homme entra sans meme frapper a la porte; Aramis
voulut retirer sa main, le roi la retint.
Celui qui entrait etait un de ces puritains demi-pretres, demi-
soldats, comme il en pullulait pres de Cromwell.
-- Que voulez-vous, monsieur? lui dit le roi.
-- Je desire savoir si la confession de Charles Stuart est
terminee, dit le nouveau venu.
-- Que vous importe? dit le roi, nous ne sommes pas de la meme
religion.
-- Tous les hommes sont freres, dit le puritain. Un de mes freres
va mourir, et je viens l'exhorter a la mort.
-- Assez, dit Parry, le roi n'a que faire de vos exhortations.
-- Sire, dit tout bas Aramis, menagez-le, c'est sans doute quelque
espion.
-- Apres le reverend docteur eveque, dit le roi, je vous entendrai
avec plaisir, monsieur.
L'homme au regard louche se retira, non sans avoir observe Juxon
avec une attention qui n'echappa point au roi.
-- Chevalier, dit-il quand la porte fut refermee, je crois que
vous aviez raison et que cet homme est venu ici avec des
intentions mauvaises; prenez garde en vous retirant qu'il ne vous
arrive malheur.
-- Sire, dit Aramis, je remercie Votre Majeste; mais qu'elle se
tranquillise, sous cette robe j'ai une cotte de mailles et un
poignard.
-- Allez donc, monsieur, et que Dieu vous ait dans sa sainte
garde, comme je disais du temps que j'etais roi.
Aramis sortit; Charles le reconduisit jusqu'au seuil. Aramis lanca
sa benediction, qui fit incliner les gardes, passa majestueusement
a travers les antichambres pleines de soldats, remonta dans son
carrosse, ou le suivirent ses deux gardiens, et se fit ramener a
l'eveche, ou ils le quitterent.
Juxon attendait avec anxiete.
-- Eh bien? dit-il en apercevant Aramis.
-- Eh bien! dit celui-ci,
|