vait
l'habitude de mettre aux preparatifs de cette grave affaire qu'on
appelle un duel. Il releva promptement ses manchettes, frotta la
semelle de son pied droit sur le parquet, ce qui ne l'empecha pas
de remarquer que, pour la seconde fois, Mordaunt lancait autour de
lui le singulier regard qu'une fois deja il avait saisi au
passage.
-- Etes-vous pret, monsieur? dit-il enfin.
-- C'est moi qui vous attends, monsieur, repondit Mordaunt en
relevant la tete et en regardant d'Artagnan avec un regard dont il
serait impossible de rendre l'expression.
-- Alors, prenez garde a vous, monsieur, dit le Gascon, car je
tire assez bien l'epee.
-- Et moi aussi, dit Mordaunt.
-- Tant mieux; cela met ma conscience en repos. En garde!
-- Un moment, dit le jeune homme, engagez-moi votre parole,
messieurs, que vous ne me chargerez que les uns apres les autres.
-- C'est pour avoir le plaisir de nous insulter que tu nous
demandes cela, petit serpent! dit Porthos.
-- Non, c'est pour avoir, comme disait monsieur tout a l'heure, la
conscience tranquille.
-- Ce doit etre pour autre chose, murmura d'Artagnan en secouant
la tete et en regardant avec une certaine inquietude autour de
lui.
-- Foi de gentilhomme! dirent ensemble Aramis et Porthos.
-- En ce cas, messieurs, dit Mordaunt, rangez-vous dans quelque
coin, comme a fait M. le comte de La Fere, qui, s'il ne veut point
se battre, me parait connaitre au moins les regles du combat, et
livrez-nous de l'espace; nous allons en avoir besoin.
-- Soit, dit Aramis.
-- Voila bien des embarras! dit Porthos.
-- Rangez-vous, messieurs, dit d'Artagnan; il ne faut pas laisser
a monsieur le plus petit pretexte de se mal conduire, ce dont,
sauf le respect que je lui dois, il me semble avoir grande envie.
Cette nouvelle raillerie alla s'emousser sur la face impassible de
Mordaunt.
Porthos et Aramis se rangerent dans le coin parallele a celui ou
se tenait Athos, de sorte que les deux champions se trouverent
occuper le milieu de la chambre, c'est-a-dire qu'ils etaient
places en pleine lumiere, les deux lampes qui eclairaient la scene
etant posees sur le bureau de Cromwell. Il va sans dire que la
lumiere s'affaiblissait a mesure qu'on s'eloignait du centre de
son rayonnement.
-- Allons, dit d'Artagnan, etes-vous enfin pret, monsieur?
-- Je le suis, dit Mordaunt.
Tous deux firent en meme temps un pas en avant, et grace a ce seul
et meme mouvement, les fers furent engag
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