, n'y mele quelques vieux morceaux qu'il a r'habilles et
retournes a sa facon; c'est ce qui fait que les ravaudeurs en titre
n'ont presque point de pratique, et c'est precisement le cas ou se
trouvent aussi les enlumineurs. Trop de monde se mele de leur
metier, jusqu'aux ouvriers meme du pays d'Historie.
Les lanterniers, ou faiseurs de lanternes magiques, nous amuserent
quelque temps. Ces ouvriers ont l'imagination extremement feconde:
il ne leur manque que de l'avoir reglee par le bon sens et la vrai-
semblance; car il n'y a point d'invention si bizarre, dont ils ne
s'avisent et qu'ils n'executent, ou ne paroissent executer avec une
facilite surprenante. Demandez-leur des chariots volans, des palais
d'argent, des armes qui rendent invulnerable, des secrets pour
scavoir tout ce qui se fait, et tout ce qui se dit a mille lieues a
la ronde, des charmes pour se faire aimer, des statues qui
s'animent, des ponts, des vaisseaux, des jardins impromptus, des
geans, des betes qui parlent, des montagnes d'or, d'argent et de
pierreries; rien ne leur coute; de sorte qu'en un clin d'oeil leur
boutique est pleine de merveilles. Il est vrai que lorsqu'on
considere leurs ouvrages de plus pres, il est aise de s'appercevoir
que ce ne sont que des colifichets qui n'ont rien de solide ni
d'estimable; et je ne pus m'empecher de temoigner au Prince Zazaraph
que je ne comprenois pas comment ces ouvriers pouvoient trouver le
debit de pareilles marchandises. Mais il me detrompa. Si les
marchands d'Europe, me dit-il, qui etalent des boutiques de poupees,
de sifflets, de petits moulinets, de petites sonnettes, de
marmousets, et de mille autres especes de semblables colifichets que
l'on achete pour les enfans, gagnent leur vie a ce negoce, pourquoi
ne voulez-vous pas que ceux-ci fassent aussi quelque fortune? Car
vous voyez que leurs boutiques et leurs marchandises se ressemblent
parfaitement. Il faut meme observer que la plupart des personnes qui
s'occupent d'ouvrages de Romancie, sont des esprits oisifs et
paresseux, qui veulent etre amuses comme des enfans, parce qu'ils
n'ont pas la force de s'occuper eux-memes de leurs propres pensees,
ni meme de donner une application suffisante aux pensees d'autrui.
Proposez-leur quelque chose a mediter, un raisonnement a
approfondir, seulement une reflexion a faire, vous les accablez,
vous les ennuyez, comme des enfans a qui on propose une lecon a
etudier; au lieu qu'une suite de jolis colifichets qu'on l
|