se balancait
mollement, bercee par mon haleine apaisee.
"--Sois mon ami, me dit-elle. Ne me quitte plus. Quand tes ailes
terribles sont pliees, je t'aime et te trouve beau. Sans doute tu es
le roi de la foret. Ton souffle adouci est un chant delicieux. Reste
avec moi, ou prends-moi avec toi, afin que j'aille voir de plus pres
le soleil et les nuages.
"Je mis la rose dans mon sein et je m'envolai avec elle. Mais bientot
il me sembla qu'elle se fletrissait; alanguie, elle ne pouvait plus
me parler; son parfum, cependant, continuait a me charmer, et moi,
craignant de l'aneantir, je volais doucement, je caressais la cime des
arbres, j'evitais le moindre choc. Je remontai ainsi avec precaution
jusqu'au palais de nuees sombres ou m'attendait mon pere.
"--Que veux-tu? me dit-il, et pourquoi as-tu laisse debout cette foret
que je vois encore sur les rivages de l'Inde? Retourne l'exterminer au
plus vite.
"--Oui, repondis-je en lui montrant la rose, mais laisse-moi te
confier ce tresor que je veux sauver.
"--Sauver! s'ecria-t-il en rugissant de colere; tu veux sauver quelque
chose?
"Et, d'un souffle, il arracha de ma main la rose, qui disparut dans
l'espace en semant ses petales fletries.
"Je m'elancai pour ressaisir au moins un vestige; mais le roi, irrite
et implacable, me saisit a mon tour, me coucha, la poitrine sur
son genou, et, avec violence, m'arracha mes ailes, dont les plumes
allerent dans l'espace rejoindre les feuilles dispersees de la rose.
"--Miserable enfant, me dit-il, tu as connu la pitie, tu n'es plus mon
fils. Va-t'en rejoindre sur la terre le funeste esprit de la vie qui
me brave, nous verrons s'il fera de toi quelque chose, a present que,
grace a moi, tu n'es plus rien.
"Et, me lancant dans les abimes du vide, il m'oublia a jamais.
"Je roulai jusqu'a la clairiere et me trouvai aneanti a cote de la
rose, plus riante et plus embaumee que jamais.
"--Quel est ce prodige? Je te croyais morte et je te pleurais. As-tu
le don de renaitre apres la mort?
"--Oui, repondit-elle, comme toutes les creatures que l'esprit de vie
feconde. Vois ces boutons qui m'environnent. Ce soir, j'aurai perdu
mon eclat et je travaillerai a mon renouvellement, tandis que mes
soeurs te charmeront de leur beaute et te verseront les parfums de
leur journee de fete. Reste avec nous; n'es-tu pas notre compagnon et
notre ami?
"J'etais si humilie de ma decheance, que j'arrosais de mes larmes
cette terre a laquelle j
|