x septembrisades
[25]tarasconnaises et qui s'entete a vivre la! A Tarascon,
ce lievre est tres connu. On lui a donne un nom. Il s'appelle
_le Rapide_. On sait qu'il a son gite dans la terre de M. Bompard,--ce
qui, par parenthese, a double et meme triple le prix de
cette terre,--mais on n'a pas encore pu l'atteindre.
[30]A l'heure qu'il est meme, il n'y a plus que deux ou trois
enrages qui s'acharnent apres lui.
Les autres en ont fait leur deuil, et _le Rapide_ est passe depuis
longtemps a l'etat de superstition locale, bien que le Tarasconnais
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soit tres peu superstitieux de sa nature et qu'il mange les hirondelles
en salmis, quand il en trouve.
--Ah ca! me direz-vous, puisque le gibier est si rare a Tarascon,
qu'est-ce que les chasseurs tarasconnais font donc tous les
[5]dimanches?
Ce qu'ils font?
Eh mon Dieu! ils s'en vont en pleine campagne, a deux ou
trois lieues de la ville. Ils se reunissent par petits groupes de
cinq ou six, s'allongent tranquillement a l'ombre d'un puits, d'un
[10]vieux mur, d'un olivier, tirent de leurs carniers un bon morceau
de boeuf en daube, des oignons crus, un _saucissot_, quelques
anchois, et commencent un dejeuner interminable, arrose d'un
de ces jolis vins du Rhone qui font rire et qui font chanter.
Apres quoi, quand on est bien leste, on se leve, on siffle les
[15]chiens, on arme les fusils, et on se met en chasse. C'est a dire
que chacun de ces messieurs prend sa casquette, la jette en l'air
de toutes ses forces, et la tire au vol avec du 5, du 6, ou du
2,--selon les conventions.
Celui qui met le plus souvent dans sa casquette est proclame
[20]roi de la chasse, et rentre le soir en triomphateur a Tarascon,
la casquette criblee au bout du fusil, au milieu des aboiements
et des fanfares.
Inutile de vous dire qu'il se fait dans la ville un grand commerce
de casquettes de chasse. Il y a meme des chapeliers qui
[25]vendent des casquettes trouees et dechirees d'avance a l'usage
des maladroits, mais on ne connait guere que Bezuquet, le
pharmacien, qui leur en achete. C'est deshonorant!
Comme chasseur de casquettes, Tartarin de Tarascon n'avait
pas son pareil. Tous les dimanches matin, il partait avec une
[30]casquette neuve: tous les dimanches soir, il revenait avec une
loque. Dans la petite maison du baobab, les greniers etaient
pleins de ces glorieux trophees. Aussi, tous les Tarasconnais le
reconnaissent-ils pour leur maitre, et comme Tartarin savait a
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