ND.
[1] _Hommes et Dieux_.
[2] Theophile Gautier.
DCXXVII
A M. ALEXANDRE DUMAS FILS, A PARIS
Nohant, 21 janvier 1867.
Eh bien, cher fils, comment etes-vous arrive a Paris, par ce temps de
frimas qui vous a surpris le jour du depart? Avez-vous eu froid dans
l'affreuse diligence? Vous etes-vous embete. Je vous ai fait faire la
une vraie corvee et je me le reprochais en voyant tomber la neige. Et
j'ai ete si patraque, moi, depuis ce temps-la, que je n'avais pas le
courage de vous demander de vos nouvelles, et de celles de la patiente
et stoique _alitee_ [1]. Je crois que je vais mieux a present, du moins
il y a des jours ou je me crois guerie. Ca ne peut guere se faire par
une saison si dure; aussi je prends patience et m'arrange pour ne pas
penser, a mon mal. J'ai fait diversion en m'installant dans ma nouvelle
chambre, ou j'ai enfin chaud et ou je me trouve doucement et betement
dans le bleu tendre, couleur d'anemie. J'ai soif de travailler.
Avez-vous lu _Mont-Reveche?_ Y voyez-vous plus clair que moi.
Pouvez-vous me lancer dans une bonne voie comme pour _Yilleiner_? Sauf a
ne pouvoir pas _executer_ tout ce que vous m'indiquerez et a tourner du
cote ou je peux etre _moi_, avec mes defauts et mes qualites. On ne
se separe pas de soi-meme. Il me semble que vous me sortiriez de mes
irresolutions et que vous me rendriez la foi. Essayez, si _Madame
Aubray_ ne vous absorbe pas trop. Peut-etre que je m'en vas tout
doucement et que je n'ai pas a m'inquieter de l'avenir. Mais, si, avant
de me confier a ce _toujours plus calme_ dont parle Goethe, je pouvais
faire encore un bon travail, je serais satisfaite. Voyez, et voyez bien,
si c'est avec _Mont-Reveche_ que je peux donner ce dernier coup de
collier. Si, apres reflexion, vous me dites _non, je_ pincerai d'une
autre guitare, sans aucun decouragement.
Les enfants vous envoient des tendresses, ainsi qu'a tout votre beau
sexe, Coliche comprise. Moi, je vous embrasse _tretous_, comme on dit
ici.
Qu'est-ce que vous pensez, vous, de ce _couronnement de l'edifice
napoleonien_? Il me semble que ce n'est qu'une velleite; on sait si peu
se servir de la liberte en France, qu'on se depechera de mal user du peu
qu'on nous donne, et vite alors on reprendra plus qu'on ne nous avait
pris, pour nous dire: "Vous voyez, c'est votre faute!" Ou bien quoi?
sent-on qu'il faut s'executer et que la chose craque? c'est peut-etre
trop tard, on ne fait pas des citoyens d'un cou
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