rtaines questions de travail."
Et il travaille. Elle lui a dit: "Gardons nos puretes l'une pour
l'autre." Et il se garde. Ce n'est pas le spiritualisme catholique qui
l'etouffe; mais il se fait un grand ideal de l'amour, et pourquoi lui
conseillerait-on d'aller le perdre quand il met sa conscience et son
merite a le garder?
Il y a un equilibre que la nature, notre souveraine, met elle-meme dans
nos instincts, et elle pose vite la limite de nos appetits. Les grandes
natures ne sont pas les plus robustes. Nous ne sommes pas developpes
dans tous les sens par une education bien logique. On nous comprime de
toute facon, et nous poussons nos racines et nos branches ou et comme
nous pouvons. Aussi les grands artistes sont-ils souvent infirmes, et
plusieurs ont ete impuissants. Quelques-uns, trop puissants par le
desir, se sont epuises vite. En general, je crois que nous avons des
joies et des peines trop intenses, nous qui travaillons du cerveau. Le
paysan qui fait, nuit et jour, une rude besogne avec la terre et avec sa
femme, n'est pas une nature puissante. Son cerveau est des plus faibles.
Se developper dans tous les sens, vous dites? Pas a la fois, ni sans
repos, allez! Ceux qui s'en vantent blaguent un peu, ou, s'ils menent
tout a la fois, tout est manque. Si l'amour est pour eux un petit
pot-au-feu et l'art un petit gagne-pain, a la bonne heure; mais, s'ils
ont le plaisir immense, touchant a l'infini, et le travail ardent,
touchant a l'enthousiasme, ils ne les alternent pas comme la veille et
le sommeil.
Moi, je ne crois pas a ces don Juan qui sont en meme temps des Byron.
Don Juan ne faisait pas de poemes, et Byron faisait, dit-on, bien mal
l'amour. Il a du avoir quelquefois--on peut compter ces emotions-la dans
la vie--l'extase complete par le coeur, l'esprit et les sens; il en
a connu assez pour etre un des poetes de l'amour. Il n'en faut pas
davantage aux instruments de notre vibration. Le vent continuel des
petits appetits les briserait.
Essayez quelque jour de faire un roman dont l'artiste (le vrai) sera le
heros, vous verrez quelle seve enorme, mais delicate et contenue; comme
il verra toute chose d'un oeil attentif, curieux et tranquille, et comme
ses entrainements vers les choses qu'il examine et penetre seront rares
et serieux. Vous verrez aussi comme il se craint lui-meme, comme il sait
qu'il ne peut se livrer sans s'aneantir, et comme une profonde pudeur
des tresors de son ame l'empeche de les repandre
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