brasse pour cette bonne pensee et je n'accepte pas. Mais
j'accepterais, sois-en sur, si je n'avais pas d'autre ressource.
Seulement, je dis que, si quelqu'un doit me preter, c'est le seigneur
Buloz, qui a achete des chateaux et des terres avec mes romans. Il ne me
refuserait pas, je le sais. Il m'offre meme. Je prendrai donc chez lui,
s'il le faut. Mais je ne suis pas en etat de partir, je suis retombee
ces jours-ci. J'ai dormi trente-six heures de suite, accablee. A
present, je suis sur pied, mais faible. Je t'avoue que je n'ai pas
I'energie de vouloir _vivre_. Je n'y tiens pas; me deranger d'ou je suis
bien, chercher de nouvelles fatigues, me donner un mal de chien pour
renouveler une vie de chien, c'est un peu bete, je trouve, quand il
serait si doux de s'en aller comme ca, encore aimant, encore aime, en
guerre avec personne, pas mecontent de soi et revant des merveilles dans
les autres mondes; ce qui suppose l'imagination encore assez fraiche.
Mais je ne sais pourquoi je te parle de choses reputees tristes, j'ai
trop l'habitude de les envisager doucement. J'oublie qu'elles paraissent
affligeantes a ceux qui semblent dans la plenitude de la vie. N'en
parlons plus et laissons faire le printemps, qui va peut-etre me
souffler l'envie de reprendre ma tache. Je serai aussi docile a la voix
interieure qui me dira de marcher qu'a celle qui me dira de m'asseoir.
Ce n'est pas moi qui t'ai promis un roman sur la sainte Vierge. Je ne,
crois pas du moins. Mon article sur la faience, je ne le retrouve pas.
Regarde donc s'il n'a pas ete imprime a la fin d'un de mes volumes pour
completer la derniere feuille. Ca s'appelait _Giovanni Freppa_ ou _les
Maioliques_.
Oh! mais quelle chance! En t'ecrivant, il me revient dans la tete un
coin ou je n'ai pas cherche. J'y cours, je trouve! Je trouve bien mieux
que mon article, et je t'envoie trois ouvrages qui te rendront aussi
savant que moi. Celui de Passeri est charmant.
Barbes est une intelligence, certes, mais en _pain de sucre_.
Cerveau tout en hauteur, un crane indien aux instincts doux, presque
introuvables; tout pour la pensee metaphysique, devenant instinct et
passion qui dominent tout. De la un caractere que l'on ne peut comparer
qu'a celui de Garibaldi. Un etre invraisemblable a force d'etre saint et
parfait. Valeur immense, sans application immediate en France. Le milieu
a manque a ce heros d'un autre, age ou d'un autre pays.
Sur ce, bonsoir.--Dieu, que je suis _veau_! J
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