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sont pas des progres. Abailard, en religion comme en philosophie,
a donne le mouvement et non les resultats. Plusieurs fois accuse
d'heresie, il n'a point laisse de secte, et meme en philosophie, la
hardiesse des principes qu'il enonce quelquefois est demeuree sans
consequence, parce que lui-meme n'a pas ose les avouer ou les
reconnaitre. Cependant il en avait assez fait et pour ses partisans
et pour ses ennemis." (_Essai sur la vie et les ecrits d'Abailard et
d'Heloise_, p. 372.)]
Il ne faut donc pas s'etonner si Abelard, plus desole que convaincu,
retrouva bientot dans le couvent qui lui servait comme de prison cette
impatience du joug et ce besoin de resistance polemique qui entrainait
son esprit plus loin que son caractere n'osait aller. Bien qu'il se loue
de l'accueil qu'il recut a Saint-Medard, il dut y rencontrer, non sans
quelque importunite, ce meme Gosvin, que nous, avons vu sur la montagne
Sainte-Genevieve lui chercher une querelle scolastique. Celui-ci etait
venu la, d'accord, dit-on, avec l'abbe Geoffroi, pour travailler, en
qualite de prieur, a la reforme des abus et au retablissement des
etudes.[126] Deja sous les murs de Soissons meme, il avait ete employe a
une oeuvre semblable dans le monastere de Saint-Crepin; c'est pour cela
qu'il etait sorti d'Anchin ou il avait fait profession. Quoiqu'il pensat
peut-etre, ainsi que son biographe devoue, qu'Abelard n'avait ete
conduit a Saint-Medard que pour y etre _lie comme un rhinoceros
indompte_, il jugea convenable de le traiter, a l'exemple de l'abbe,
_dans un esprit de douceur_[127]. Cependant, de l'humeur que nous lui
connaissons, il ne s'abstint pas, dans ses entretiens, de meler ses
consolations de conseils et ses conseils de lecons. Il lui precha la
patience et la modestie, lui dit de ne point trop s'attrister, qu'au
lieu d'etre emprisonne, il devait se regarder comme delivre, n'ayant
plus a redouter les soucis, les tentations, les grandeurs du monde;
qu'il n'avait enfin qu'a se conduire honnetement et a donner a tous
l'enseignement et l'exemple de l'honnetete. "L'honnetete, l'honnetete!"
dit Abelard, qui sentait, a travers la charite du prieur, percer
l'aiguillon de la vanite du docteur, "qu'avez-vous donc a me tant
precher, conseiller, vanter l'honnetete? Il y a bien des gens qui
dissertent sur toutes les especes d'honnetete, et qui ne sauraient pas
repondre a cette question: Qu'est-ce que l'honnetete?--Vous dites vrai,"
reprit aussitot Gosvin a
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