pos d'en faire don a sa fille Theodrade, et Adelaide, femme de Hugues
Capet, y avait encore reuni des religieuses. Plus de cent ans s'etaient
donc ecoules depuis que l'etablissement, devenu riche, demeurait au
pouvoir des femmes. Mais Suger, qui avait du credit aupres du pape
Honorius II et du roi Louis VI, fit valoir les anciens titres, entre
autres une donation fort en regle des empereurs Louis le Debonnaire
et Lothaire son fils[156], et il accusa les religieuses de quelques
desordres que par malheur il reussit a prouver[157]. Il etait devenu
severe, et apres quatre ans d'une administration fort differente, il
avait entrepris la reforme de son ordre en commencant par la sienne. Sur
ses instances, une bulle de 1127 deposseda les religieuses d'Argenteuil;
elles furent, l'annee suivante, expulsees violemment; quelques-unes
entrerent a l'abbaye de Notre-Dame-des-Bois[158]; les autres, parmi
lesquelles on comptait Heloise, et probablement Agnes et Agathe, deux
nieces d'Abelard, cherchaient ca et la un asile, lorsque l'abbe de
Saint-Gildas fut averti et crut apercevoir une occasion favorable de
reparer l'abandon du Paraclet. Il revint precipitamment en Champagne
(1129) et il engagea la prieure d'Argenteuil a s'etablir, avec celles de
ses religieuses qui lui restaient attachees, dans l'oratoire abandonne.
En meme temps, il lui fit, ainsi qu'a ses compagnes, cession perpetuelle
et irrevocable du batiment et de tous les biens qui en dependaient.
Atton, l'eveque de Troyes, approuva cette donation, qui devait etre,
moins de deux ans apres, confirmee par le pape, et declaree inviolable
sous peine d'excommunication[159].
[Note 156: Ce titre existe, et il ne permet pas de douter que
Hermenric et sa femme Mummana ou Numana, les fondateurs de la maison
d'Argenteuil en 665, ne l'eussent donnee au couvent de Saint-Denis;
Louis le Debonnaire y regle qu'elle reviendra a ce couvent apres la
mort de sa soeur. Mais les Normands parurent bientot qui pillerent et
detruisirent Argenteuil comme tout le reste, et sous Hugues Capet, les
moines omirent de reclamer leurs droits. (_Ab. Op._; Not. p. 1180.)]
[Note 157: C'est Suger lui-meme qui affirme en tres-gros mots le
dereglement des religieuses d'Argenteuil, prouve par une enquete que
dirigerent le legat, eveque d'Albano, l'archeveque de Reims et les
eveques de Paris, de Chartres et de Soissons. (Duchesne, _Script.
Franc._, t. IV; Suger, _De reb. a se gest._, p. 333.--_Rec. des Hist._,
t. XII
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