ion des populations voisines vinrent a
leur aide; les dons des fideles accrurent leurs ressources, et au bout
de quelque temps l'etablissement prospera.
Cette creation fut pour Abelard, au milieu de tant d'afflictions, une
consolation inesperee, et plus que jamais il rendit graces au Paraclet.
Une fois enfin, il n'avait point fait de mal a ce qu'il aimait.
Quand revit-il Heloise? la revit-il a cette epoque de sa vie? rien ne
l'atteste. Peut-etre meme a son silence est-il permis de croire que tous
ces arrangements se conclurent sans que les deux epoux fussent un moment
reunis. Quoiqu'il en soit, bornons-nous a citer les paroles calmes et
douces par lesquelles il termine, au milieu de ses tristes recits, le
tableau de cette heureuse fondation.
"Et, Dieu le sait, elles se sont, dans une annee, plus enrichies, je
pense, en biens terrestres que je ne l'aurais fait en cent ans, si
j'avais continue d'habiter au Paraclet; car, si leur sexe est plus
faible, la pauvrete des femmes est plus touchante, et plus facilement
elle emeut les coeurs, et leur vertu est plus agreable a Dieu et aux
hommes. Puis, le Seigneur accorda aux yeux de tous une si visible grace
a cette femme, ma soeur[164], qui etait a leur tete, que les eveques
l'aimaient comme leur fille, les abbes comme leur soeur, les laiques
comme une mere; et tous egalement ils admiraient sa piete, sa prudence,
et en toute chose une incomparable douceur de patience. Plus il etait
rare qu'elle se laissat voir, toujours enfermee dans sa chambre pour s'y
livrer avec plus de purete a la meditation sainte et a la priere, plus
on venait du dehors avec ardeur implorer sa presence et les conseils
d'un entretien tout spirituel."
[Note 164: "Illi sorori nostrae." (_Ab. Op._, ep. I, p. 34.)]
Abelard, de retour dans son abbaye, reprit le triste gouvernement de ses
indociles sujets. Il vivait la, toujours livre a des soins penibles,
mais ayant du moins une pensee douce. Cependant, comme les commencements
du Paraclet furent difficiles, et que les religieuses eurent a souffrir
de leur denument, les voisins de ce couvent blamaient son absence; on
lui reprochait de delaisser un etablissement qu'il n'avait pourtant,
ce semble, aucun moyen de secourir. I1 y fit donc plusieurs voyages et
porta a ses soeurs ses conseils et son appui. Il precha devant elles
et pour elles, et leur donna ainsi quelques secours spirituels et
temporels. Il parait qu'il avait hesite quelque temps; une sorte
d'e
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