|
ot archeveque de Magdebourg
(1126). Puissant et revere dans l'Eglise, protege par de grands princes,
il unissait a une activite infatigable une foi singuliere dans sa propre
inspiration, dans une sorte de revelation personnelle, qui le conduisit
a essayer des propheties et des miracles. Persuade de la venue prochaine
de l'Antechrist, il poursuivait avec un zele redoutable tout ce qui lui
semblait menacer la foi et l'unite. On ne sait s'il se rencontra avec
Abelard; mais ce dernier le designe comme un de ses persecuteurs, et
tout dans la vie de Norbert, tout jusqu'au caractere de sa piete, devait
le rendre incapable d'excuser et de comprendre le christianisme tout
intellectuel du grand dialecticien de la theologie.
[Note 146: Voyez, dans l'_Histoire litteraire_, l'article _saint
Norbert_, t. XI, p. 243, et sa vie par Hugo, chanoine de Premontre, 1
vol. in-4, 1704.]
L'autre adversaire d'Abelard n'etait pas, de son temps, place fort
au-dessus de saint Norbert; mais son nom est environne d'un bien autre
eclat historique. Des son jeune age, il s'etait signale par ces prodiges
d'austerite et d'humilite chretienne qui domptent tout dans l'homme,
hormis la colere et l'orgueil, mais qui rachetent l'une et l'autre en
les consacrant a Dieu. Il vivait dans les miseres d'une sante faible,
encore affaiblie et torturee comme a plaisir par de volontaires
souffrances. Il se croyait appele a ressusciter l'esprit monastique, en
ranimant dans les couvents la morale et la foi. Il avait de plus en plus
enfonce dans l'ombre et courbe vers la terre le front pale de ses moines
amaigris; mais il ouvrait un oeil vigilant sur le monde, observait les
pretres, les docteurs, les eveques, les princes, les rois, l'heritier
de saint Pierre lui-meme; et tantot suppliant avec douleur, tantot
gourmandant avec force, il avait pour tous des prieres, des menaces, des
larmes et des chatiments, et faisait sous la bure la police des trones
et des sanctuaires. C'etait saint Bernard.
Abelard accuse formellement ces deux hommes d'avoir ete, vers l'epoque
ou nous sommes arrives, les principaux artisans de ses malheurs[147].
Suivant lui, ces _nouveaux apotres, en qui le monde croyait beaucoup_,
allaient prechant contre lui, repandant tantot des doutes sur sa
foi, tantot des soupcons sur sa vie, detournant de lui l'interet, la
bienveillance et jusqu'a l'amitie, le signalant a la surveillance de
l'Eglise et des eveques, enfin le minant peu a peu dans l'esprit des
|