imprime. (Ibid., p. 108.) Il parait que c'est a peu pres la regle de
Saint-Benoit suivant les statuts generaux de l'ordre de Premontre.
(_Hist. litt._, t. XII, p. 640.)]
On peut se demander quel etait l'etat de l'ame d'Abelard. Avait-elle
ete entierement brisee par le temps, le malheur, la reflexion, la
preoccupation accablante de ses chagrins et de ses perils? Le besoin
du repos, un sentiment de dignite personnelle, un orgueil souffrant
reglait-il sa conduite et son langage? ou bien enfin la devotion
dominait-elle en lui tout le reste? Il est probable que ces diverses
causes agissaient a la fois, et l'avaient amene peu a peu a l'etat ou
nous le voyons. Les croyances et les habitudes de la religion et plus
encore celles du sacerdoce ont cet avantage de pousser et d'autoriser
les hommes a prendre une attitude convenue d'avance pour autrui comme
pour eux-memes, de leur permettre des sentiments et un langage factices
et pourtant sinceres et dignes, de leur donner enfin un personnage a
jouer en parfaite tranquillite de conscience. Elles nous pretent en un
mot un caractere; elles font en nous ce que les theologiens appellent un
homme nouveau. C'est un manteau que la grace donne a la nature, et la
faiblesse humaine croit s'ameliorer, quand elle ne reussit qu'a se
deguiser. Peut-etre a-t-elle raison; souvent le coeur ne gagne pas a
etre vu. Et cependant la sympathie profonde sera toujours pour l'ame
ingenue et libre qui, ne s'environnant que de voiles transparents,
laissera percer sa lumiere interieure, au risque de montrer le feu qui
la consume. Heloise se conforma aux volontes d'Abelard et pour lui a
tous les devoirs de son etat. Sous la deference de la religieuse, elle
cacha le devouement de la femme. Elle le lui dit avec les formes de la
dialectique, jusques dans la suscription de sa derniere lettre: _A Dieu
specialement, a lui singulierement_[198]. Ce qui signifie en bonne
logique, _a Dieu par l'espece, a lui comme individu_; et ce qui se
dirait en sens inverse aujourd'hui: "La religieuse est a Dieu, la femme
est a toi." Mais elle n'ajouta pas un mot de plus, et son coeur rentra
dans le silence. Elle vecut, puisqu'on le voulait, paisiblement,
saintement; elle asservit et sacrifia sans resistance toutes ses actions
a ce que reclamaient d'elle le ciel et son amant. Mais inconsolable
et indomptee, elle obeit et ne se soumit pas; elle accepta tous ses
devoirs, sans en faire beaucoup de cas, et son ame n'aima jamais ses
ver
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