de Saint-Jean. A titre de pure conjecture, on pourrait dater ces lettres
de l'epoque tres-posterieure ou Abelard et Pierre le Venerable se
trouverent rapproches, et tout rattacher a la conversion du premier dans
l'abbaye de Cluni. Mais rien de precis, rien d'individuel n'autorise
cette hypothese; autant vaudrait regarder une lettre XXVI ou l'abbe de
Cluni felicite un certain Pierre de sa vie de sainte retraite, comme
ecrite pour notre philosophe, retire dans ses derniers jours a
Saint-Marcel. (_Bibl. Clun., Petr. Ven_. ep. IX, X, XXVI, l. I, p. 630,
657; Not., p. 107.--_Annal. ord. S. Ben_., t. VI, l. LXXXIV, p.84.)]
Les anciens adversaires d'Abelard etaient rentres dans l'ombre, mais
d'autres avaient paru, plus dignes et plus formidables.
Deux hommes commencaient a s'elever dans l'Eglise, tous deux destines a
devenir celebres et puissants, bien qu'a des degres fort inegaux; tous
deux renommes par la piete, le savoir, l'activite, l'autorite, par
toutes les vertus et toutes les passions qui font la grandeur d'un
pretre; tous deux d'une charite ardente et d'un caractere inflexible,
cruels a eux-memes, humbles et imperieux, tendres et implacables, faits
pour edifier et opprimer la terre, et ambitieux d'arriver, par les
bonnes oeuvres et les actes tyranniques, au rang des saints dans le
ciel.
L'un, saint Norbert[146], d'une famille distinguee de Xanten, dans le
pays de Cleves, avait commence sa vie dans les plaisirs, et atteint,
comme simple prebendaire, l'age de trente ans et plus, lorsque le
repentir le saisit et le jeta dans la reforme. Devenu pretre en 1116, il
essaya vainement de convertir son chapitre, et se fit le missionnaire
ardent de la foi et de la penitence. Savant, exalte, bizarre jusque
dans ses manieres et son costume, il fut cite comme fanatique devant le
concile de Frizlar, mais il se justifia, et meme il obtint des papes
Gelase et Calixte II la permission de precher la parole sainte.
Parcourant en apotre la France et le Hainaut, partout il produisit un
grand effet sur le peuple, mais reussit peu a reformer les chanoines
dont il avait particulierement a coeur la conversion. Ayant echoue
aupres de ceux de Laon, il se retira non loin de cette ville, dans
la solitude de Premontre, y jeta, en 1120, les fondements d'un ordre
celebre de chanoines reguliers, et se vit au bout de quatre ans a la
tete de neuf abbayes florissantes. Il fut d'abord connu sous le titre
de reformateur des chanoines et devint bient
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