uir les pays
catholiques, de se retirer chez les idolatres et d'aller vivre en
chretien parmi les ennemis du Christ. Il esperait la plus de charite ou
plus d'oubli[151].
[Note 151: _Ab. Op., ep. I, p. 32._]
Une inspiration du meme genre lui fit prendre alors un parti funeste,
et chercher le repos dans le sejour ou l'attendaient les plus cruelles
miseres.
On voit encore en basse Bretagne, sur un promontoire qui s'etend au sud
de Vannes, le long de la baie et des lagunes du Morbihan, les ruines
d'un antique monastere, au sommet de rochers battus a leur pied par
les ilots de l'Ocean. La s'elevait au XIIe siecle l'abbaye de
Saint-Gildas-de-Rhuys, fondee sous le roi Chilperic I par le saint dont
elle portait le nom. L'eglise encore debout, monument romain dans ses
parties primitives, offre des traces d'une extreme antiquite, et domine
au loin la pleine mer du haut d'un quai naturel de granit fonce que le
flot ronge en s'y brisant avec fracas[152]. Vers 1125, la communaute
avait perdu son pasteur, et avec l'agrement et peut-etre sur le desir de
Conan IV, duc de Bretagne, elle elut Abelard pour remplacer l'abbe Harve
qui venait de mourir. Des religieux lui furent deputes en France;
ils obtinrent pour lui le consentement de l'abbe et des moines de
Saint-Denis, et vinrent offrir au fondateur du Paraclet une des dignites
de l'Eglise les plus ambitionnees en ce temps-la. Abelard, alors
inquiet et menace, crut entrevoir l'asile et le port. Il accepta, et se
comparant a saint Jerome fuyant dans l'Orient l'injustice de Rome, il se
resolut a fuir dans l'Occident l'inimitie de la France.
[Note 152: _Id. ibid._ et pag. suiv.--Il n'y a plus trace de
l'ancien couvent, mais l'eglise offre des parties, comme le choeur et
les transepts, qui semblent n'avoir jamais ete alterees, et qui peuvent
bien, ainsi qu'on le dit, avoir ete baties de 1008 a 1038. Il y a meme
des murailles et des sculptures qui paraissent anterieures. Les rochers
de granit qui bordent la cote s'elevent a pic au-dessus de la mer. Ils
offrent des anfractuosites qui peuvent receler des grottes et meme des
passages souterrains conduisant du sol du vieux couvent a la mer. C'est
un lieu severe et imposant. (Merimee, _Notes d'un voyage dans l'ouest
de la France_, 1836, p. 281 et suiv.--_Magasin Pittoresque_, t. IX, p.
311.)]
On l'appelait dans un pays barbare dont la langue meme lui etait
inconnue; mais la vie d'incertitude et de peril lui devenait
insupportable, sa
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