celui qu'on venerait en France et qui a donne son nom a l'abbaye de
Saint-Denis. Pour tout accommoder, en 1215, Innocent III, sans se
prononcer pour aucune opinion, donna a la royale abbaye les reliques de
Denis d'Athenes, afin qu'elle eut les restes des deux saints de ce nom.
Mais c'etait au fond decider la question, ou dire que les reliques
jusque-la conservees a Saint-Denis n'etaient pas celles de l'Areopagite.
(_Ab. Op._, p. 25, et Not., p. 1189.--Tillemont, _Mem. pour servir a
l'hist. eccles._, t. II, p. 133 et 718, et t. IV, p. 710.)]
L'hostilite de ses superieurs et de ses freres paraissait implacable; on
dit meme que la punition monacale, le fouet, lui fut infligee pour
avoir ete de l'avis du venerable Bede[131]. Pousse a bout par tant
d'acharnement et de violence, las de voir toujours ainsi la fortune le
contrarier dans les moindres choses, et le monde entier conjure contre
lui, il resolut de sortir d'esclavage, et, d'accord avec quelques
freres qui compatissaient a ses peines, aide de ses amis, il s'enfuit
secretement une nuit, et gagna la terre de Champagne, qui n'etait pas
eloignee et ou se trouvait la retraite deja habitee par lui quelque
temps. Thibauld, comte de Champagne, de qui il n'etait pas inconnu,
s'etait interesse aux persecutions qu'il avait eprouvees; et, sous sa
protection, il demeura a Provins, dans le prieure de Saint-Ayoul[132],
occupe par des moines de Saint-Pierre de Troyes et dont le prieur etait
un de ses anciens amis. En meme temps, il essaya de se reconcilier, et
il ecrivit a l'abbe de Saint-Denis et a sa congregation une lettre que
nous avons encore, et ou, discutant la question tranchee par Bede, il la
decide en sens inverse et conclut que le venerable auteur s'est trompe
ou que les deux Denis ont ete eveques de Corinthe[133]. Mais cette
concession fut inutile.
[Note 131: _Ut fama est_, ajoute Duboulai qui raconte ce fait.
(_Hist. Univ. par._, t. II, p. 85.)]
[Note 132: Saint-Ayoul est la traduction alteree de Saint-Aigulfe,
nom d'un prieure soumis a l'eveche de Troyes et fonde en 1018. (_Gall.
Christ._, t. XII, p. 530.)]
[Note 133: _Ab. Op._ pars II, ep. II, _Adae dilectissimo patri suo
abbati_, p. 224.]
Pendant qu'il jouissait a Provins des douceurs d'une bienveillante
hospitalite, une affaire attira dans cette ville l'abbe de Saint-Denis
aupres du comte de Champagne; Abelard, de son cote, vint sur-le-champ,
avec son ami le prieur, trouver Thibauld, et lui demanda d'inter
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