s s'elevant a des
considerations generales, il demande si l'on veut renouveler contre lui
les infames accusations qui poursuivaient saint Jerome dans le cercle de
pieuses femmes qu'il animait de sa ferveur et de son genie. Sera-t-il
reduit a dire comme lui: "Avant que je connusse la maison de cette Paule
si sainte, toute la ville retentissait du bruit de mes etudes; j'etais,
au jugement de presque tous, declare digne du souverain pontificat....
Mais je sais que la mauvaise comme la bonne reputation conduit au chemin
du ciel[166]."
[Note 166: _Ab. Op._, ep. I, p. 85.--Sanc. Hieron. _Op._, I. IV,
pars II, ep. XXVIII, _ad Asellam._]
Tandis qu'il voyait ainsi calomnier les sentiments les plus purs et les
actions les plus simples, il rencontrait de nouveaux tourments dans sa
laborieuse administration. Ce n'est plus sa tranquillite, c'est sa vie
qui etait en peril. S'il s'eloignait du couvent, il avait a craindre la
violence de ses ennemis; s'il y rentrait, il trouvait dans ceux que son
titre l'obligeait d'appeler ses enfants la haine et la perfidie. Il ne
croyait pas pouvoir voyager en surete; il etait expose aux plus noirs
complots. Du moins soupconna-t-il plus d'une tentative homicide dirigee
contre lui, jusque-la qu'il eut a prendre des precautions pour celebrer
la messe, et crut un jour qu'un poison avait ete verse dans le calice.
Une fois qu'il etait venu a Nantes aupres du comte, alors malade, il
logeait chez un de ses freres qui habitait cette ville, peut-etre Raoul,
peut-etre le chanoine Porcaire[167]. On essaya par les mains d'un valet
de faire empoisonner ses aliments; du moins, comme il s'etait abstenu
d'y toucher, un moine qui l'accompagnait, en ayant mange, mourut, et
le criminel serviteur se trahit en prenant la fuite. Apres de telles
tentatives, il dut songer a sa surete; il quitta la maison conventuelle,
et se retira dans quelques cellules isolees avec le peu de freres qui
lui etaient attaches. Mais il ne pouvait sortir sans redouter un nouveau
guet-apens, et lorsqu'il devait passer par un chemin ou par un sentier,
il craignait qu'on n'apostat a prix d'argent des voleurs pour se defaire
de lui. Ce fut dans une de ses courses qu'il fit une grave chute de
cheval; il dit meme qu'il se brisa la nuque, et cette fracture quelle
qu'elle fut porta une atteinte profonde a sa sante deja trop eprouvee et
a ses forces declinantes: il avait alors plus de cinquante ans.
[Note 167: Le comte de Nantes etait depuis longt
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