semble le feu qui les anime et la
verite qui les excuse. Ne citons que quelques mots qui revelent avec une
rude ingenuite ce que cette ame si ferme pensait d'elle-meme.
[Note 185: "Flere tunc miseris tantum vocabit, non orare licebit."
(_Ab. Op._, ep. IV, p. 55.)]
"Mes passions m'oppriment d'autant plus que ma nature est plus faible.
Ils me disent chaste, ceux qui n'ont pas decouvert que je suis
hypocrite. Ils confondent la purete de la chair avec la vertu, quoique
la vertu soit de l'ame et non du corps. J'ai quelque merite parmi les
hommes, je n'en ai pas devant Dieu; il sonde les reins et les coeurs, et
il voit ce qui est cache. On me tient pour religieuse, dans ce temps ou
ce n'est pas une petite partie de la religion que l'hypocrisie, ou
les plus grandes louanges sont assurees a celui qui ne blesse pas le
jugement des hommes. Et peut-etre est-il louable et dans une certaine
mesure agreable a Dieu de ne point scandaliser l'Eglise par l'exemple
des oeuvres exterieures, quelle que soit d'ailleurs l'intention; on
evite ainsi d'exciter les infideles a blasphemer le nom du Seigneur,
et d'avilir, aux yeux des hommes charnels, l'ordre ou l'on a fait
profession. C'est aussi un certain don de la grace divine, sinon de
faire le bien, au moins de s'abstenir du mal. Mais qu'importe ce premier
pas, si le second ne le suit, selon qu'il est ecrit: _Eloigne-toi du mal
et fais le bien?_ (Ps. XXXVI, 27.) Et encore l'un et l'autre precepte
est-il vainement accompli, s'il ne l'est par l'amour de Dieu. Or, dans
toutes les situations de ma vie, Dieu le sait, je crains plus encore de
t'offenser que d'offenser Dieu; c'est a toi que je desire plaire plutot
qu'a lui. C'est ton ordre et non l'amour divin qui m'a fait prendre
cet habit. Vois donc quelle malheureuse et lamentable vie je mene,
si j'endure ici tant de maux sans fruit, ne devant avoir aucune
remuneration dans la vie future. Longtemps ma dissimulation t'a trompe
comme beaucoup d'autres; tu prenais l'hypocrisie pour de la religion,
et voila comme en te recommandant a mes prieres, tu me demandes ce que
j'attends de toi. Cesse, je t'en conjure, de presumer ainsi de moi, et
ne renonce pas a m'aider en priant pour moi. Ne me juge pas guerie et ne
me retire point le bienfait du remede; ne me crois pas riche et n'hesite
pas a secourir mon indigence; ne me parle pas de ma force, car je puis
tomber avant que tu n'aies soutenu ma faiblesse chancelante.
"Cesse donc tes louanges.... Le coe
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