oesumus ut cum ab omni
adversitate protegas et ancillis tuis incolumem roddas. Per Dominum,
etc." (_Ab. Op._, ep. III, p. 53)]
Telle est la lettre qu'Abelard, alors rempli de piete et de tristesse,
envoie pour consolation a celle qui lui _fut chere dans le siecle_ et
qui lui est maintenant _tres-chere en Jesus-Christ_[184]. On voit
qu'il se concentre dans les sentiments et les devoirs pour ainsi dire
officiels de sa position, et que, par un effort reflechi, il s'eleve ou
se reduit a la mission austere et tendre d'un guide mystique et d'un
frere en esprit et en verite. Tout ce qui dut alors se passer dans son
ame, Dieu seul le sait, et nous n'essaierons pas de peindre ce que nous
ne devinons qu'a demi.
[Note 184: _Id. ib_., p. 40.]
La controverse etait, a cette epoque, la forme naturelle de l'esprit
humain. Les lettres d'Abelard et d'Heloise sont tour a tour des
theses et des refutations, et elle argumente en lui repondant. Nous
n'analyserons pas cette reponse ou la discussion prend place a cote des
aveux emportes de la passion. Nous ne montrerons pas Heloise repoussant
presque comme une parole trop dure le voeu supreme d'Abelard qui osait
parler de sa mort, et lui reprochant de leur demander des prieres le
jour ou _les malheureuses ne sauront plus que pleurer_[185]; puis,
entreprenant d'etablir en forme qu'il a tort de dire tant de bien des
femmes, qu'elles ont toujours fait un grand mal a ceux qui les ont
aimees, et que l'Ecriture en maint passage leur est defavorable; nous ne
la montrerons pas se citant alors en exemple, et se complaisant dans la
peinture des faiblesses de son ame. Tout le monde doit lire ces pages
uniques ou elle qualifie ses fautes dans le langage severe de la
religion, et confesse sans remords que le remords lui est inconnu; ou,
dechirant le voile qui couvrait ses souvenirs, ses regrets, ses desirs
les moins exprimables, elle semble prendre a coeur de repudier tous les
merites que se plaisait a louer en elle Abelard, afin qu'il n'y trouve
plus que l'immortel amour que lui-meme alluma. Comment rendre, en effet,
l'aveu des pensees ardentes que l'abbesse du Paraclet nourrit dans la
solitude de sa cellule, dans l'isolement de ses nuits, et qui la suivent
a l'autel, et la charment plus encore qu'elles ne l'obsedent au bruit
des chants d'eglise? Tout cela est si serieux et si vrai que, lorsque
Heloise parle elle-meme, on oublie l'impurete des paroles. Traduites
et repetees, elles perdraient tout en
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