s contenaient, et
justement meme par ce qu'elle savait qu'elles etaient des demandes de
secours, il fallait qu'elle les lut tout de suite pour y repondre sans
retard, ou pour faire faire les recherches auxquelles elles donnaient
lieu.
Elles etaient ce jour-la nombreuses et deja elle en avait lu plusieurs,
lorsqu'elle ouvrit celle de Nicetas.
"Je rentre en France et trouve ma fille qui est aussi la votre...."
Elle n'alla pas plus loin: un voile avait passe devant ses yeux, son
coeur s'etait arrete.
Heureusement la lettre etait posee sur le bureau sans quoi elle
serait tombee, ou elle aurait ete secouee de telle sorte dans sa main
tremblante que l'attention du comte eut ete provoquee.
Lui! depuis onze ans elle l'attendait; mais les angoisses des premieres
annees; toujours vaines, avaient fini par lui donner une sorte de
confiance; si elle devait l'attendre, n'etait-il pas permis d'esperer
qu'il ne reviendrait point; douze annees s'etaient ecoulees sans qu'il
reparut, n'y avait-il pas des chances pour que d'autres s'ecoulassent
encore? Quels droits avait-il sur elle, d'ailleurs, et sur Claude dont
il ne connaissait meme pas l'existence?
Elle fit un effort pour ne pas s'abandonner, et la tete basse, a la
derobee, rapidement elle jeta un coup d'oeil du cote de son mari:
absorbe dans son travail, il n'avait rien remarque, et penche sur sa
table, il continuait a prendre des notes; sa plume en ecrivant craquait
avec un bruit regulier.
Elle etait comme paralysee de corps et d'esprit. Quelle contenance
tenir? Que faire? Elle ne savait. Et meme elle etait incapable de se
poser une question raisonnable.
La lettre restait ouverte sur le bureau, sans qu'elle osat meme la faire
disparaitre, et cependant elle sentait vaguement que son mari pouvait
se lever, venir a elle comme il le faisait a chaque instant, et
machinalement, sans intention, laisser tomber son regard sur cette
feuille de papier, ou le mot "votre fille" flamboyait, croyait-elle,
se detachant en caracteres d'affiche. Dans leur etroite intimite, ils
n'avaient pas de secrets l'un pour l'autre, et si monsieur ouvrait ses
lettres, si madame ouvrait les siennes, en realite elles etaient les
unes et les autres pour monsieur aussi bien que pour madame, pour madame
aussi bien que pour monsieur.
Il semblait, autant qu'elle pouvait avoir une idee, que la premiere
chose a faire etait de cacher cette lettre. Mais comment? Dans les
circonstances ordinaires, rien n
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