s porter. Il aurait fallu
deux mulets pour les trainer jusque-la.--Il m'a dit que c'etait
charmant, mais que cela n'avait pas le sens commun. A quoi j'ai
repondu: "C'est juste." Qu'il fallait tout refaire. A quoi j'ai dit:
"Ca se peut." Que je ferais bien de recommencer. A quoi j'ai ajoute:
"Suffit."
Quant a la _Revue de Paris_, elle a ete tout a fait charmante. Nous
lui avons porte un article _incroyable_; Jules l'a signe, et, entre
nous soit dit, il en a fait les trois quarts; car j'avais la fievre.
D'ailleurs, je ne possede pas, comme lui, le genre _sublime_ de la
_Revue de Paris_. Il a promis solennellement de le faire inserer et il
l'a trouve bien.
J'en suis charmee pour Jules. Cela nous prouve qu'il peut reussir.
J'ai resolu de l'associer a mes travaux, ou de m'associer aux siens,
comme vous voudrez. Tant y a qu'il me prete son nom, car je ne veux
pas paraitre, et je lui preterai mon aide quand il en aura besoin.
Gardez-nous le secret sur cette _association litteraire_. (Vraiment!
j'ai un choix d'expressions delicieux!) On m'habille si cruellement a
la Chatre (vous n'etes pas sans le savoir), qu'il ne manquerait plus
que cela pour m'achever.
Apres tout, je m'en moque un peu; l'opinion que je respecte, c'est
celle de mes amis. Je me passe du reste. Je ne vois pas que cela m'ait
empechee jusqu'a present de vivre sans trop de souci, grace a Dieu et
a quelques bipedes qui m'accordent leur affection.
Je n'ai pas parle de Jules a M. de Latouche; sa protection n'est pas
tres facile a obtenir, m'a-t-on dit. Sans la recommandation de votre
maman, j'aurais pu la rechercher longtemps sans succes. J'ai donc
craint qu'il ne voulut pas l'etendre a deux personnes. Je lui ai dit
que le nom de _Sandeau_ etait celui d'un de mes compatriotes qui avait
bien voulu me le preter.
En cela, je suivais son conseil; car, il est bon que je vous le dise,
M. Veron, le redacteur en chef de la _Revue_, deteste les femmes et
n'en veut pas entendre parler. Il a les ecrouelles.
C'est a vous de savoir s'il est a propos d'expliquer a votre maman
pourquoi le nom de Sandeau va se trouver dans la _Revue_ et si elle
n'en parlera point a M. de Latouche. Il vaudrait mieux lui dire que
Jules me prete son nom. Quand nous serons assez avances pour voler de
nos propres ailes, je lui laisserai tout l'honneur de la publication
et nous partagerons les profits (s'il y en a). Pour moi, ame epaisse
et positive, il n'y a que cela qui me tente. Je mange
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