les
petits cancans qui remplissent la vie de ce monde, et qui en font le
principal ennui.
Si l'on continue a me laisser vivre en paix, je prolongerai mon sejour
ici. J'ai deja songe a remettre mes engagements du 30 septembre un peu
plus loin. C'est la conduite des autres qui dictera la mienne. Je
travaille le soir a mon roman; cela m'amuserait beaucoup si je n'etais
pas obligee de me depecher. Une autre fois, je prendrai plus de
latitude avec mon editeur, afin de travailler pour mon plaisir et sans
fatigue.
On dit que je suis partie pour I'Italie avec Stephane. Ce qu'il y a de
bon, c'est que je ne sais pas ou il est. Je ne l'ai pas vu depuis six
mois. Quant a moi, je crois bien etre a Nohant dans ce moment-ci;
cependant, si les gens de la Chatre sont absolument surs que je sois a
Rome, je ne voudrais pas leur faire de peine en leur soutenant le
contraire.
Adieu, ma chere petite maman; traitez-moi toujours avec bonte. Je vous
embrasse de tout mon coeur, ainsi que mon ami Pierret.
LXXV
A M. JULES BOUCOIRAN, A NIMES
Nohant, 26 septembre 1831
C'est une desolation qu'un voyage de sept jours; je m'en afflige de
mille manieres: d'abord, parce que cela vous fatigue; ensuite parce
que ces quinze jours perdus de la plus ennuyeuse maniere du monde
doivent faire pleurer votre mere. Elle voudra les regagner, je le
prevois bien. Je ne peux ni ne veux l'affliger. Cependant, mon cher
enfant, je voudrais que vous fussiez de retour vers le 20 du mois
prochain.
Mettez donc a profit ces bons jours de famille et de patrie. C'est un
bonheur de n'etre pas blase ou desabuse de ces biens-la. Apportez-moi
des cailloux de votre sol, s'ils ont quelque chose de curieux. Si je
ne l'ai pas reve, vous avez comme nous beaucoup de coquillages marins
petrifies, des especes qui nous manquent.
Maurice ne fait rien. Je ne suis pas assez rigide. Ce temps de
devergondage ne devant pas etre long, je le laisse trotter avec
Leontine, et les jours de travail sont rares. Le seul point, c'est
qu'il n'oublie pas ce qu'il sait et non qu'il fasse des progres sans
vous. Je voudrais bien, mon enfant, que l'etude du latin ne fut pas
aussi exclusive. Vous m'avez promis de commencer l'histoire a votre
retour et de la faire marcher de front avec la geographie. Il me
semble que ces etudes poussees un peu rapidement lui seraient fort
utiles. Non pas qu'il faille esperer une grande memoire des faits a
son age, mais c
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