n, c'est parce que je ne sais pas m'occuper a
demi. Je suis comme vous, avec vos dessins et vos vernis. Ici, j'ai de
tres douces distractions: Maurice me saute sur le dos et ma grosse
fille me grimpe sur les genoux.
Bonsoir, ma chere petite mere. Donnez-moi des nouvelles de votre oeil.
A force de vouloir le guerir vite, ne le tourmentez pas trop.
Embrassez pour moi Caroline et mon vieux Pierret; moi, je vous aime de
tout mon coeur.
[1] _Rose et Blanche_.
LXXXII
A MAURICE DUDEVANT, A NOHANT
Paris, 4 avril 1832.
Nous sommes arrivees en bonne sante, ta soeur et moi, mon cher petit
amour. Solange n'a fait qu'un somme depuis Chateauroux jusqu'ici. Elle
a pense a toi et a sa bonne; elle a pleure deux fois pour vous avoir;
mais elle s'est consolee bien vite. A son age, le chagrin ne dure
guere. Elle a ete douce et gentille tout le temps. Quand tu etais tout
petit, tu n'etais pas si patient qu'elle. En arrivant, elle a reconnu
tout de suite ton portrait et elle a pleure; puis elle n'a pas tarde a
s'endormir.
Je l'ai menee au Luxembourg, au Jardin des Plantes. Elle a vu la
girafe, et pretend l'avoir deja bien vue a Nohant dans un pre. Elle a
donne a manger dans sa main aux petits chevreaux du Thibet et aux
grues. Elle a vu les animaux empailles et ne veut pas comprendre
qu'ils ne sont pas en vie. Du reste, elle n'a pas peur du tout; pourvu
que je lui donne la main, elle ne s'effraye de rien.
Elle rit, elle chante, elle est gentille a croquer. Elle mange comme
six, elle s'endort dans les omnibus, elle se reveille quand on descend
et se met a marcher sans grogner. Il est impossible d'etre meilleure
enfant. Je suis bien contente de l'avoir avec moi. Si je t'avais
aussi, mon pauvre enfant, je serais bien heureuse.
Et toi, mon petit chat, comment te portes-tu? t'amuses-tu toujours
bien? Ta grue est-elle toujours en vie?
Adieu, mon cher petit ange. Je t'embrasse cent mille fois sur tes
joues roses et sur ton grand pif, sur tes grands yeux et sur tes beaux
cheveux. Ecris-moi bien souvent. Ta soeur t'embrasse aussi; elle veut
te porter des fraises et des glaces dans du papier. Ce sera propre en
arrivant!
LXXXIII
A MADAME MAURICE DUPIN. A PARIS
Paris, 15 avril 1832.
Chere mere,
Soyez sans inquietude. Je me porte tout a fait bien aujourd'hui. Le
cholera, dit-on, est mort; ainsi dormez en paix. Je serais bien
heureuse de voir
|