'est la seule maniere d'ouvrir ses idees aux choses de
la vie, aux lois, aux guerres, aux vicissitudes des moeurs, aux
constitutions, a l'existence des peuples et a la marche de la
civilisation. C'est d'un peu haut qu'il faudrait donc envisager cette
science. Au lieu de le faire moisir, comme au temps de l'abbe Rollin,
sur les petites guerres et les rois insignifiants d'une foule de
petits Etats de l'antiquite, il faudrait resumer l'histoire
universelle dans une sorte de cours a votre maniere. Cette analyse
generale n'est pas l'ouvrage d'un cuistre, et vous trouverez a la
dresser avantage et plaisir pour vous-meme. Plus tard, sans doute, il
lui faudra etudier les diverses parties de votre edifice, il le fera
par la lecture. J'ai fait, pendant cinq ou six ans, des extraits sur
toutes les dynasties de la terre. C'etait l'histoire enseignee a la
maniere des jesuites. Beaucoup de recits, pas une reflexion, pas une
observation qui ne tournat a la plus grande gloire de Dieu, contre
tout bon sens et toute verite. Aussi, rien de ce fatras n'est reste
dans mon cerveau fatigue. J'ai perdu cinq ou six ans de ma vie a
desapprendre le sens commun. Les livres d'histoire, ecrits tous sous
l'empire de quelque passion politique ou de quelque prejuge religieux,
ont tous besoin d'etre rectifies par un jugement sain. Ce n'est donc
pas avec des livres qu'il faudrait enseigner, c'est avec votre memoire
et votre raison, n'est-il pas vrai, mon enfant?
Bonjour. Je vous embrasse de toute mon ame, ainsi que votre bonne
mere. Rendez-la bien heureuse, et revenez-nous, des que vous pourrez
vous arracher comme Regulus a tant d'affection.
Maurice vous embrasse aussi. Il fait la moue dans ce moment, parce
que, dit-il, il s'est f.... par terre. Est-ce vous qui formez ainsi
son style?
LXXVI
AU MEME
Paris, 6 novembre 1831.
Mon enfant,
J'ai ete vraiment affligee de manquer le plaisir de vous embrasser. Je
vous l'ai dit, je vous aime comme vous m'aimez, sans egoisme, et je me
rejouis du bonheur de votre mere et du votre. Une autre fois, nous
serons a meme de nous voir davantage; mais nous n'en avons pas besoin
pour compter l'un sur l'autre.
Il est tres vrai que madame Bertrand m'a envoye M. de Vasson la veille
de mon depart, j'ai recu d'elle une lettre qui s'efforcait d'etre
aimable. Elle me parlait d'abord de l'engagement pris d'aller passer
_trois mois_ a Laleuf, cet automne, engagement que je savai
|