trepris cette carriere.
Eh bien, plus j'en rencontre, plus j'ai la resolution d'avancer. Je
vais pourtant retourner bientot _cheux nous_, et peut-etre sans avoir
reussi a mettre ma barque a flot, mais avec l'esperance de mieux faire
une autre fois et avec des projets de travail plus assidu que jamais.
Il faut une passion dans la vie. Je m'ennuyais, faute d'en avoir. La
vie agitee et souvent meme assez necessiteuse que je mene ici chasse
bien loin le spleen. Je me porte bien et vous allez me revoir avec une
humeur tout a fait rose.
Avec ca que notre bonne Agasta[1] aille bien et que je la retrouve
fraiche et ingambe! Nous danserons encore la bourree ensemble!
Adieu, mon cher ami. Si vous avez des idees, envoyez-moi-_z'en_; car,
des idees, par le temps qui court, c'est la chose rare et precieuse.
On ecrit parce que c'est un metier; mais on ne pense pas, parce qu'on
n'en a pas le temps. Les choses marchent trop vite et vous emportent
tout eblouis.
"Les ecrivains (dit le sublime de Latouche), ce sont des instruments.
Au temps ou nous vivons, ce ne sont pas des hommes; ce sont des
plumes!"
Et, quand on a lache ca, on se pame d'admiration, on tombe a la
renverse, ou l'on n'est qu'un ane.
Bonsoir. J'embrasse Agasta et vous de tout mon coeur.
[1] Madame Duteil.
LX
A M. MAURICE DUDEVANT, A NOHANT
Paris, mercredi soir, 16 fevrier 1831.
Mon cher enfant, je n'ai pas eu le temps de te dire un petit mot, dans
la lettre de ton oncle. J'ai recu le tien ce matin. Je suis tres
contente que tu te portes bien et que tu t'amuses. Je serais heureuse
de te voir, mon cher enfant; mais je serais fachee que tu fusses ici
maintenant. On ne s'y amuse pas: tout le monde se dispute, on
s'etouffe dans les rues, on demolit les eglises et on bat le tambour
toute la nuit. Tu es bien mieux a Nohant, ou l'on t'aime, ou tu peux
courir et jouer sans voir des mechants qui se battent.
Adieu, mon cher enfant; travaille toujours, ecris-moi souvent,
embrasse pour moi ton papa, Boucoiran et ta petite soeur. Je vous aime
tous deux par-dessus tout et je vous embrasse mille fois.
LXI
A M. JULES BOUCOIRAN, A NOHANT
Paris, 4 mars 1831.
Mon cher enfant,
Je vous remercie de m'avoir ecrit. Je ne vis que de ce qui concerne
Maurice, et les nouvelles qui m'arrivent par vous n'en sont que plus
douces et plus cheres. Aimez-le donc mon pauvre petit, ne le gatez
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