s bien ne
pas exister. Ensuite elle remettait sa cause entre mes mains et me
parlait de son Alphonse, comme si mon Maurice ne m'interessait pas
davantage. Puis elle me disait qu'elle ne savait pas votre adresse a
Nimes, qu'elle ne voulait pas vous ecrire avant de s'adresser a moi;
ce qui prouve tout simplement qu'elle l'eut fait si elle eut pu savoir
votre adresse. Enfin elle daignait se rappeler que je lui avais offert
ma place a la Chambre et me faisait des remerciments tres gauches et
tres peu de saison. J'ai repondu en peu de mots, poliment et
froidement. Je ne sais comment elle aura pris ma lettre. J'ai conte le
tout au pere Duris-Dufresne, qui a trouve comme moi qu'on aimait mieux
ses enfants que ceux des autres.
Je ne puis pas vous dire si je resterai ici peu ou beaucoup. Mon
editeur paye mal; cependant il paye, mais si lentement, que le travail
des imprimeurs va de meme. Je leur remets le manuscrit a mesure que
j'en touche le prix, autrement je courrais risque de travailler pour
_l'honneur_. C'est un mechant salaire quand on est si pauvre d'esprit
et de bourse. Ce qu'il y a de sur, c'est que je retournerai pres de
mes chers enfants, aussitot que je serai delivree de ma besogne.
Du reste, je vois avec plaisir que tous les deboires qu'on m'avait
predits dans cette carriere n'existent pas pour les gens qui vivent,
comme moi, au fond de leur mansarde, sans autre ambition que celle
d'un profit modeste. J'ai deja assez vu les _grands hommes_ pour
savoir qu'ils sont les plus petits de tous. Je les fuis comme la
peste, excepte Henri de Latouche, qui est bon pour moi et que j'aime
sincerement.
Je vis fort tranquille, je travaille a mon aise et je me porte bien
maintenant. J'ai enfin reussi a me debarrasser de la fievre qui m'a
tourmentee pendant plus d'un mois. Il ne manque a mon bonheur que mes
enfants et vous. Mais, si je vous avais ici, je serais trop bien et la
destinee n'a pas coutume de me gater de la sorte. Au reste, elle est
sage. Elle me garde ce bonheur pour un avenir que je ne voudrais plus
affronter sans l'esperance que vous l'embellirez.
Adieu, cher enfant; j'embrasse vous, Maurice et ma Solange. Parlez-moi
d'eux beaucoup, je vous en supplie.
LXXVII
A MAURICE DUDEVANT, A LA CHATRE
Paris, 3 novembre 1831.
Mon cher petit enfant, tu ne m'as pas dit si tu avais recu le joujou
que je t'ai envoye. Si tu ne l'as pas, fais-le reclamer chez M.
Poplin[1], a la C
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