s, on sent son poids qui est formidable, sans rien
voir et sans rien entendre. La plus mauvaise de ces apparitions est
celle de la levrette blanche. Quand on l'apercoit, d'abord elle est
toute petite; mais elle grandit peu a peu, elle vous suit, elle arrive a
la taille d'un cheval et vous monte sur le dos. Il est avere qu'elle
pese deux ou trois mille livres; mais il n'y a point a s'en defendre, et
elle ne vous quitte que quand vous apercevez la porte de votre maison.
C'est quand on s'est attarde au cabaret qu'on rencontre cette bete
maudite. Bien heureux quand elle n'est pas accompagnee de deux ou trois
feux follets qui vous entrainent dans quelque marecage ou riviere pour
vous y faire noyer.
La cocadrille, bien connue au moyen age, existe encore dans les ruines
des vieux manoirs. Elle erre sur les ruines la nuit, et se tient cachee
le jour dans la vase et les roseaux. Si on l'apercoit alors, on ne s'en
mefie point, car elle a la mine d'un petit lezard; mais ceux qui la
connaissent ne s'y trompent guere et annoncent de grandes maladies dans
l'endroit, si on ne reussit a la tuer avant qu'elle ait vomi son venin.
Cela est plus facile a dire qu'a faire. Elle est a l'epreuve de la balle
et du boulet, et, prenant des proportions effrayantes d'une nuit a
l'autre, elle repand la peste dans tous les endroits ou elle passe. Le
mieux est de la faire mourir de faim, ou de la degouter du lieu qu'elle
habite en dessechant les fosses et les marais a eaux croupissantes. La
maladie s'en va avec elle.
Le _follet, fadet_ ou _farfadet_, n'est point un animal, bien qu'il lui
plaise d'avoir des ergots et une tete de coq; mais il a le corps d'un
petit homme, et, en somme, il n'est ni vilain ni mechant, moyennant
qu'on ne le contrariera pas. C'est un pur esprit, un bon genie connu en
tout pays, un peu fantasque, mais fort actif et soigneux des interets de
la maison. En Berry, il n'habite pas le foyer, il ne fait pas l'ouvrage
des servantes, il ne devient pas amoureux des femmes. Il hante
quelquefois les ecuries comme ses confreres d'une grande partie de la
France; mais c'est la nuit, au paturage, qu'il prend particulierement
ses ebats. Il y rassemble les chevaux par troupes, se cramponne a leur
criniere, et les fait galoper comme des fous a travers les pres. Il ne
parait pas se soucier enormement des gens a qui ces chevaux
appartiennent. Il aime l'equitation pour elle-meme; c'est sa passion, et
il prend en amitie les animaux les plus arde
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