s aboyer.
Il passa sans trop regarder; mais a peine eut-il fait quelques pas,
qu'il entendit marcher derriere lui et que la lune dessina a ses pieds
une ombre tres-allongee. Il se retourna et vit une de ces femmes qui le
suivait. Les deux autres venaient a quelque distance comme pour appuyer
la premiere.
--Cette fois, dit-il, je pensai bien aux lavandieres; mais j'eus une
autre emotion que la premiere fois. Ces femmes etaient d'une taille si
elevee et celle qui me suivait avait tellement les proportions, la
figure et la demarche d'un homme, que je ne doutai pas un instant
d'avoir affaire a des plaisants de village, malintentionnes peut-etre.
J'avais une bonne trique a la main. Je me retournai en disant:
"--Que me voulez-vous?
"Je ne recus point de reponse; et, ne me voyant pas attaque, n'ayant pas
de pretexte pour attaquer moi-meme, je fus force de regagner mon
cabriolet, qui etait assez loin devant moi, avec cet etre desagreable
sur mes talons. Il ne me disait rien et semblait se faire un malin
plaisir de me tenir sous le coup d'une attaque. Je tenais toujours mon
baton pret a lui casser la machoire au moindre attouchement; et
j'arrivai ainsi a mon cabriolet avec mon poltron de chien, qui ne disait
mot et qui y sauta avec moi. Je me retournai alors, et, quoique j'eusse
entendu jusque-la des pas sur les miens et vu une ombre marcher a cote
de moi, je ne vis personne. Seulement, je distinguai, a trente pas
environ en arriere, a la place ou je les avais vues laver, ces trois
grandes diablesses sautant, dansant et se tordant comme des folles sur
le revers du fosse.
Je vous donne cette histoire pour ce qu'elle vaut; mais elle m'a ete
racontee de tres-bonne foi, et vous le garantis. Mettez cela en partie
au chapitre des hallucinations.
L'orme Rateau est un arbre magnifique, qui existait, dit-on, deja grand
et fort, au temps de Charles VII. Comme un orme qu'il est, il n'a pas de
loin une grande apparence, et son branchage affecte assez la forme du
rateau, dont il porte le nom. Mais ce n'est la qu'une coincidence
fortuite avec la legende traditionnelle qui l'a baptise. De pres, il
devient imposant par sa longue tige elancee, sillonnee de la foudre et
plantee comme un monument a un vaste carrefour des chemins communaux.
Ces chemins, larges comme des prairies, incessamment tondus par les
troupeaux du proletaire, sont couverts d'une herbe courte, ou la ronce
et le chardon croissent en liberte. La plaine est ouverte a u
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