jamais sur vous; de meme
que si, en ce moment, vous avez reussi a rencontrer l'animal
fantastique, la soumission qu'il vous a montree pendant le temps de la
messe fait place a la fureur, et c'est fait de vous.
Cette tradition est universelle. Il y a peu de ruines, chateaux ou
monasteres, peu de monuments celtiques qui ne recelent leur tresor. Tous
sont gardes par un animal diabolique. M. Jules Canougo, dans un charmant
recueil de contes meridionaux, a rendu gracieuse et bienfaisante la
poetique apparition de la chevre d'or, gardienne des richesses cachees
au sein de la terre.
Dans nos climats moins riants, autour des dolmens qui couronnent les
collines pelees de la Marche, c'est un boeuf blanc, ou un veau d'or, ou
une genisse d'argent qui font rever les imaginations avides; mais ces
animaux sont mechants et terribles a rencontrer. On y court tant de
risques, que personne encore n'a ose les saisir par les cornes. Et
cependant il y a des siecles que les grosses pierres druidiques dansent
et grincent sur leurs freles supports pendant la messe de minuit, pour
eveiller la convoitise des passants.
Dans nos vallees ombragees, coupees de grandes plaines fertiles, un
animal indefinissable se promene la nuit a certaines epoques
indeterminees, va tourmenter les boeufs aux paturages et roder autour
des metairies qu'il met en grand emoi. Les chiens hurlent et fuient a
son approche, les balles ne l'atteignent pas. Cette apparition et la
terreur qu'elle inspire n'ont encore presque rien perdu dans nos
alentours. Tous nos fermiers, tous nos domestiques y croient et ont vu
la bete. On l'appelle la _grand'-bete_, par tradition, quoique bien
souvent elle paraisse de la taille et de la forme d'un blaireau. Les uns
l'ont vue en forme de chien de la grandeur d'un boeuf enorme, d'autres
en levrette blanche haute comme un cheval, d'autres encore en simple
lievre ou en simple brebis. Ceux qui en parlent avec le plus de
sang-froid l'ont poursuivie sans succes, sans trop de frayeur, ne lui
attribuant aucun pouvoir fantastique, la decrivant avec peine, parce
qu'elle appartient a une espece inconnue dans le pays, disent-ils, et
assurant que ce n'est precisement ni une chienne, ni une vache, ni un
blaireau, ni un cheval, mais quelque chose comme tout cela:
arrangez-vous! Cependant cette bete apparait, j'en suis certain, soit a
l'etat d'hallucination, soit a l'etat de vapeur flottante, et condensee
sous de certaines formes. Des gens trop since
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