terre dans les reveries de la prison, vous
nous les devez.
Adieu, pour cette nuit de fatigue. Je suis a vous de coeur et d'esprit.
G. SAND.
30 _novembre_. Emile, occupe pour Maurice d'une copie assez longue, ne
m'a remis que ce soir la lettre que j'attendais pour vous envoyer la
mienne. Je me vois donc quelques instants de calme pour vous redire que
je pense a vous souvent; oui, bien souvent! Dans toutes les emotions,
chagrin ou contentement, reflexion ou lecture, chaque fois que mon ame
travaille, languit ou s'eleve, je me compose un ciel, c'est-a-dire,
selon Jean Reynaud, une terre, un monde, ou j'espere aller, et tout de
suite j'y appelle ceux de ce monde-ci que je veux et compte y retrouver.
Et puis, dans les epreuves veritables, je pense aussi aux devoirs de
cette vie ou nous sommes, et votre patience, votre vertu (pardonnez-moi
un mot vieilli, mais toujours bon), se presentent devant moi pour me
donner de la volonte. Vous avez ete bien malheureux, mon ami, et,
pourtant, il me semble qu'au fond du coeur vous etes le plus heureux des
hommes, parce que vous avez la conscience la plus pure et l'equilibre le
plus divin. Vous avez la certitude d'une recompense la-haut, tandis que,
nous autres, nous n'avons que l'espoir d'un dedommagement.
Je vous demande pardon pour la lettre prolixe d'Emile. Il est prolixe,
c'est sa nature, en ecrivant. Il ne vous entretient que de nos malades,
comme si c'etait bien interessant. Il ne se dit pas assez que vous
recevez trop de lettres et que vous y repondez trop fidelement.--La
seule chose bonne de sa lettre, c'est la _conversion_ qu'il vous doit,
et dont il n'est pas encore bien rempli; car il ne me l'a fait savoir
qu'en me permettant de lire l'aveu qu'il en fait. Nous avions des
_querelles_ sur ce sujet, et il en avait surtout avec Maurice, qui
brulait d'aller la-bas, et qui y aurait ete, sans la crainte de mon
desespoir _en dedans_. Je ne l'aurais pourtant pas empeche de suivre son
idee, qui etait a la fois _artistique_ et patriotique. Mais j'aurais
bien souffert!--Voila que je fais comme Emile, et que je vous entretiens
de _nous_. Rien de tout cela ne vaut la peine d'etre dit.
Quand c'est a vous que je parle, je voudrais n'avoir a vous entretenir
que de choses divines. J'en ai pourtant l'esprit tout plein, et je veux,
un jour ou l'autre, faire un livre la-dessus que je vous dedierai. Je
travaille comme un negre pour de l'argent; il en faut pour les autres.
Mais ce devoir-l
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